Septembre 1995 – Poudlard, 5e année.

Ses doigts glissaient dans ses longs cheveux tandis que ses lèvres s’aventuraient dans le creux de son cou, animées d’une passion avide.  Tout, de l’odeur de sa peau aux fossettes que creusaient son sourire, tout chez elle le rendait follement amoureux. Elle le poussa sur le lit, et Aaron retint son souffle. Le dortoir Serpentard, où il l’avait faite entrer en secret, était vide, et il réalisa soudainement où ces baisers semblaient les emmener. Cela avait quelque chose d’effrayant, il ne pouvait pas le nier ; pourtant, il le désirait plus que tout au monde. Il la désirait plus que tout au monde. « Tu es nerveux ? » Penchée au-dessus de lui, elle avait demandé ça dans un murmure, lui offrant au passage l'un de ces sourires pour lequel il aurait combattu l’univers entier. « Oui, un peu. » Dewitt était un menteur-né, mais avec elle, c’était différent ; avec elle, il pouvait être lui-même, même quand il s’agissait d’avouer quelque chose d’embarrassant. Elle reprit. « C’est ta première fois ? »  « Non… J’ai déjà été nerveux plein de fois avant. » Ils rirent en chœur. Elle l’aimait, lui et son humour stupide. Elle l’aimait, même si leur relation impliquait un nombre infini de sacrifices depuis le début. Et en ce matin de septembre où ils fêtaient enfin leurs retrouvailles, elle se sentait prête à lui en donner la preuve la plus sincère qu’elle connaissait. Elle glissa ses doigts sous son t-shirt et l’aida à le retirer. Aaron la fit alors basculer sur le lit, passant au-dessus d’elle. Il caressait ses courbes avec une douceur infinie, comme s’il avait entre les mains le cadeau le plus précieux au monde. Et c’était le cas, quelque part, il n’y avait rien auquel il tenait plus.
L’image de son père lui traversa un instant l’esprit, et il se demanda comment celui-ci réagirait, s’il apprenait ce que son fils s’apprêtait à faire. S’il découvrait que celui-ci fréquentait en secret, et depuis plus d’un an, une fille qui non seulement n’était pas à Serpentard, mais qui, en plus, était née dans une famille moldue… Il lui foutrait probablement la plus grosse raclée de sa vie. D'ailleurs, Aaron se serait lui-même désapprouvé, quelques années auparavant ; on ne se mélangeait pas avec les Sangs de bourbes, encore moins intimement : c'est ce qu'il aurait dit, à l'époque. Mais à cet instant précis, plus rien ne comptait. Plus rien à par elle.

Janvier 1996 – Poudlard, 5e année

« Aaron, il faut que tu nous rejoignes. » Des larmes brillaient dans ses grands yeux bleus, et Dewitt réalisa que c’était la première fois qu’il la voyait pleurer. « Rejoins l’armée de Dumbledore avec moi, s’il te plait… » L’angoisse referma ses serres sur sa poitrine. Il avait toujours profondément craint d’avoir à prendre une telle décision – ou du moins, depuis qu’il avait commencé à prendre du recul sur ces histoires de sang pur et de mages noirs. Il était attaché, d’une façon ou d’une autre, aux deux camps, et il refusait d’avoir à faire un tel choix. « C’est très grave, ce qu'elle fait, Aaron… » « Je sais… Je sais que c’est grave, mais… » La vérité, c’était qu’il aimait bien cette position de neutralité. En refusant de rejoindre les idées d’Harry Potter et de ses partisans, il restait loyal à son père. En refusant de rejoindre les idées de Dolorès Ombrage, du gouvernement et de sa Brigade, il restait loyal envers la fille qu’il aimait. C’était l’équilibre instable qu’il avait trouvé, et auquel il avait visiblement décidé de s’accrocher de toutes ses forces. « Il me tuerait, s’il apprenait que je faisais une chose pareil, il… Ils n’ont déjà pas beaucoup d’estime pour moi, je ne veux pas devenir carrément la honte de la famille… » Ses yeux suppliants croisèrent ceux, devenus subitement glacials, de sa petite-amie. Il sut aussitôt qu’il venait de la perdre. « Comprends moi je t’en prie… » « Tu n’es vraiment qu’un couard, Aaron James Dewitt-Black. J’espère que ta fidélité à ta famille d’assassins te tiendra bien chaud le soir. » Ces mots qu’elle lui avait craché au visage n’étaient qu’un tas de vérités toutes plus tranchantes que la lame d’un couteau. Pourtant, il ne fit rien pour la rattraper. Rien. Le cœur en miettes, il se contenta de la regarder disparaître dans les couloirs du château. Il avait fait le bon choix. Il avait fait le bon choix – il fallait qu’il s’accroche à cette idée, ou il réaliserait qu’il venait de perdre stupidement la seule personne au monde capable de faire de lui quelqu’un de bien.