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 Fading Out Again ∆ Edouard

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Lena Blackadder
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Lena Blackadder
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MessageSujet: Fading Out Again ∆ Edouard   Fading Out Again ∆ Edouard EmptyLun 20 Avr - 17:47
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Fading out again
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Tes doigts s'afferaient nerveusement sur les carreaux poussiéreux du living room. Le doux frémissement causé par le contact entre la surface plane et pourtant inégale au vu des montagnes qui se formaient sous ce mouvement continu. Appliquée, tu avais même consenti à mordiller ta lèvre inférieure en guise de concentration tout en plissant les yeux. A l'image d'un rapace aux griffes acérées et aux prunelles perçantes qui chassait sa proie en volant au dessus des champs de blé de la campagne lointaine, tu avais fait de la fenêtre la plus grande du manoir ta proie du jour. Un grand soulagement pour le chandelier du hall principal auquel tu t'étais accrochée le lundi dernier pendant un entrainement et une course poursuite qui s'était d'ailleurs terminée par tes vêtements restant coincés sur l'un des bras du chandelier massif. Tu avais beau être une menace pour le gouvernement, rien ne pourrait t'empêcher de rompre la monotonie et l'ennui de longues journées passées dans ce manoir. Vous étiez habituellement si nombreux à arpenter les couloirs de votre repère que tu avais arrêté d'essayer de te souvenir des noms de tous préférais largement errer de droite à gauche, faisant de ce vaste espace ton terrain de chasse. Ironique lorsque l'on sait que les seules proies correspondraient aux rats qui couinent et parcourent les couloirs et le grenier de l'immense bâtisse la nuit, perturbant un sommeil qui aurait pourtant pu être de plomb, et que la sorcière que tu étais avait plutôt choisi de se rabattre sur quelque chose de matériel et bien trop inhumain pour se déplacer. Les rats, tu avais essayé de les attraper jusqu'à ce que Sevan ne te trouve à quatre pattes, honteuse, à imiter ces rongeurs dévoreurs de gruyère express -ils s'en prenaient souvent au garde-manger et engloutissaient les gros gruyères en moins de cinq minutes top chrono- et ne te donne quelque chose de plus productif à faire ... Sauf que faire le ménage était loin d'être ton passe-temps favori. Ce qu'il te fallait,  c'était de l'action, de l'aventure et surtout, pouvoir sortir de là sans attirer les regards de sorciers prêts à tous vous livrer contre une belle rançon ...

Grand bien te fasse puisque tes tracés artistiques sur la poussière de la fenêtre principale du salon allaient te guider à le voir ... lui, l'indésirable du jour ...

« GUEUX EN VUE !! »

Il ne s'agissait certes pas de la plus rationnelle des réactions mais tu n'avais pu t'en empêcher. Depuis le temps que ce mot avait suscité ta curiosité dans un livre d'histoire de magie médiévale et que tu essayais à tout prix de le placer en toute innocence et toute circonstance, ton heure de gloire était arrivée. Malheureusement, personne n'était là pour témoigner mais tu te félicitais de la richesse de ton langage ... Tant pis. Appelons donc ce gueux, gueux et poursuivons car sans lui, tu aurais certainement réussi à reproduire le Mont Fuji, ses reliefs et ses moindres détails en utilisant, modifiant et réutilisant la poussière alentour comme certains enfants le faisaient mais eux avec du sable. Jusque là, cette activité t'avait bien occupée mais de toute façon, cela ne faisait que deux minutes que tu avais commencé alors on ne pouvait guère parler d'exploit. Cette apparition médiévale eu donc raison de cet acharnement poussiéreux et mobilier  et te fit te dresser sur tes deux jambes aussi droites que deux morceaux de bambou plantés dans le sol. Tes yeux, écarquillés, trahissaient l'horreur de ton imagination créant certainement au même moment un scénario on ne peut plus fou dans l'abysse de cette boîte crânienne bien remplie avec comme personnage principal, Monsieur le Gueux et comme titre : "invasion au manoir Saint James". Car à part vouloir s'infiltrer au cœur du QG des résistants, qu'est-ce que cet individu à la crinière noire qui lui tournait le dos pouvait bien faire dans le coin ?

« Fais quelque chose, fais quelque chose ... »

Tu étais seule. Sevan venait de partir, te confiant la surveillance du coin alors qu'il s'en allait patrouiller avec d'autres ennemis du gouvernement. Tu ne pouvais certainement pas autoriser un total inconnu qui s'intéressait aux ... oiseaux ? Cette tournure d'évènement inattendue te fit écarter pendant quelques instants la théorie du mangemort essayant de s'infiltrer à Saint James et l'observa tout en te cachant derrière les rideaux dont la poussière, revancharde, t'attaqua de plein fouet. Si seulement tu pouvais voir son visage ... ou alors son profil ? « Allez manant, tourne-toi ! » Ta baguette commença à chauffer légèrement dans la poche arrière de ton jean, te rappelant que tu pouvais toujours te servir de la magie en cas de besoin. Ni une ni deux, tu l'empoignas fermement avant de quitter la meilleure des cachettes et t'aventurer vers l'entrée principale. Prenant bien soin de ne faire aucun bruit, et ce même en ouvrant et fermant la porte, tu finis par réussir à te faufiler dans son dos. Seulement, plus tu te rapprochais, moins tu l'imaginais représenter la moindre menace avec son petit appareil photo et ces petits oiseaux innocents qui s'envolèrent alors que tu sautas sur son dos pour le désarmer en saisissant cet appareil -qui aurait pu être un puissant talisman porteur de malédiction- et t'aveuglais alors que ton doigts appuyait sur le mauvais bouton. Cependant, cela ne te fit pas lâcher prise alors que tu sentais les muscles du dos de cet inconnu se bander. Il allait certainement se défendre et tu anticipais ta réaction en sautant de toi même de son dos, sur le sol, prête à lui faire face.

« Qui es ... Edouard ? »

Des souvenirs d'école te revinrent à l'esprit. Des événements plus récents de convalescence à Sainte-Mangouste vinrent s'y ajouter. Un visage défiguré, un œil de verre ... des traits que tu ne peux observer derrière ce que tu imagines être un sortilège d'illusion masquant les dégâts ... Ce garçon qui était devenu homme et pour lequel tu avais eu un béguin lors de tes seize ans se retrouvait devant toi alors que tu t'attendais à tout sauf à le voir ... A vrai dire, vous n'aviez pas gardé contact. Après tout, pourquoi aurait-il voulu garder contact avec la fille la plus chiante de sa promo ? Rougissant à cette idée, les traits de son visage se durcirent tout de même. Revenaient à ton esprit les échos d'une conversation vague mentionnant son nom ... personne ne savait réellement ce qu'il désirait ni même s'il était neutre, pro-mangemort ou pro-résistant, ce qui faisait de lui une menace certaine. Méfiante, tu le dévisageais attentivement et osais finalement reprendre la parole pour dire autre chose que des âneries cette fois-ci.

« Qu'est-ce que tu fais ici ? »

Tu osais croire qu'il était arrivé ici par le plus grand des hasards mais tes sens t'enjoignaient à te méfier.


Dernière édition par Lena Blackadder le Mar 21 Avr - 1:14, édité 3 fois
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Édouard Douglas
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lena blackladder
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they slipped briskly into an intimacy from which they never recovered


C'était une chose un peu idiote qu'Édouard aimait faire et que son entourage trouvait plus ou moins ridicule.

Quand il était encore petit, son père l'emmenait souvent avec lui à l'autre bout de l'Angleterre pour avoir la chance de voir les oiseaux.

Évidemment, dit comme ça, ce n'était pas très attirant. Mais ça passionnait néanmoins Édouard. Il y avait dans cette quête quelque chose d'incroyable et de spirituel: il faisait, environ une fois par mois, le tour d'un comté ou le tour d'une région pour y trouver des espèces plus ou moins communes d'oiseau. L’ornithologie l'apaisait, lui changeait les idées et lui permettait de voir du paysage en plus de magnifiques spécimens. Il n'en parlait pas souvent — non, pour ainsi dire, il n'en parlait jamais — mais c'était la seule pratique qui le faisait se sentir… maintenu au sol. Maintenu dans ses chaussures. Dans son corps.

Il n'était lui-même qu'en observant quelque chose de non-humain.

C'était dans ces moments-là aussi que l'angoisse retombait. Édouard était un nerveux de nature, un stressé pur et dur de la vie. Ses mains tremblaient souvent et il devait de manière récurrente s'isoler, au coeur même d'une journée, pour respirer profondément, compter les secondes, les battements de son coeur, et se rassurer que tout allait bien, que tout allait aller bien. Mais là, perdu dans quelque contrée du Wiltshire avec personne à l'horizon, à répéter des gestes qu'il avait fait mille fois avec son père, à chercher de l'oeil quelque chose qui, enfin, le séparait de l'intensité folle de Londres, il se sentait juste bien. Complet, même.

Pendant un instant, il s'obligea à une minute de calme pur. Il avait son appareil photo autour du cou, un carnet à la main, une fiche plastifiée dans l'autre. Il ressemblait à une divinité incongrue sorti des bois, debout ainsi au milieu d'un champ sauvage, des herbes lui arrivant aux cuisses, un manteau trop léger enfilé à la va-vite sur ses épaules. Édouard était aussi intensément mélancolique, ses paupières fermées, ses cils caressant doucement ses pommettes avec une douceur qu'il n'offrait qu'à la nature, qu'aux oiseaux qui faisaient leurs petites affaires dans leur coin sous son oeil autrement attentif.

Juste un moment de calme pur. Il inspira profondément. Le monde ne se réduisit bientôt qu'au chant d'un magnifique cincle couleur chocolat. Grossière erreur, car il n'entendit pas la personne se précipiter dans son dos, ni l'entendit-il lui sauter dessus.

La profonde inspiration qu'il venait de prendre s'exhala un peu trop rapidement à son goût, son souffle momentanément coupé quand une masse inconnue se précipita sur son échine. Il s'apprêtait déjà à s'en débarrasser en se contorsionnant quand le flash de son appareil — pour quelque raison qui lui échappait — l'aveugla un instant, ses yeux de loup-garou hypersensibles bientôt noyés de lumière, aveugles même pendant de trop longues secondes. Édouard poussa un gémissement de douleur, tandis que ses mains s'abattaient d'abord sur ses yeux meurtris, puis sur le corps dans son dos; mais déjà celui-ci, trop rapide, s'était esquivé.

Il tourna sur lui-même avec fureur, ses poings serrés et son visage déformé d'une grimace de douleur. Qui osait…! Il dut avoir l'air bien bête en reconnaissant la personne qui lui faisait face, car il ouvrit légèrement la bouche et ses yeux froncés s'écarquillèrent machinalement. “ Qui es ... Edouard ? Lena? ” Elle semblait à moitié autant surprise que lui. La situation lui donna envie de sourire, puis de grogner, puis de lui hurler à la tête qu'elle était complètement malade et qu'elle lui avait fait louper un cliché extraordinaire du piaf qu'il était en train d'observer quelques secondes auparavant. Passée la surprise, dans un grommellement incompréhensible qu'il garda pour lui-même et avec une humeur orageuse qui ne lui ressemblait pas, Édouard se pencha pour récupérer sa fiche plastifiée et son carnet qu'il avait laissé tomber parterre dans la — brève — bataille.

Il n'avait plus les mêmes réflexes qu'avant, se dit-il. Et ça ne lui plaisait pas beaucoup.

Lena Blackladder était la même fille qu'elle avait toujours été: magnétique, magnifique, chiante et incroyablement inopportune. Il se souvenait d'elle comme d'un électron libre, une fille imprévisible, incroyable, tant par son côté opiniâtre que fier; personne n'ignorait leurs querelles sans fin, lui le garçon trop timide, elle la fille trop explosive. Édouard avait détesté, autant qu'il avait adoré, Lena Blackladder de tout son coeur. Puis il se souvenait d'elle plus âgée, plus mature, à le réveiller après un trop long sommeil sous le bistouri, à lui dire que tout allait bien, que tout irait bien. Ça lui semblait iréel maintenant, ce temps passé à Ste-Mangouste sous sa tutelle, sous sa garde vigilante; toutes ces heures gaspillées pour une guérison seulement incomplète. Si son corps avait retrouvé ses charmes d'avant la morsure son esprit, lui, était différent à jamais.

Qu'est-ce que tu fais ici ? Je pourrais te retourner la question, Blackladder! ” répliqua-t-il aussitôt sur la défensive, sa méfiance contagieuse comme une maladie. Yeux plissés, il la détailla (avec un plaisir certain — il avait un côté un peu esthète, quand le temps le lui permettait) de la tête au pied. Elle n'était pas en vêtements de sortie, elle semblait penser qu'il était légitime pour elle d'être là et non lui et enfin elle avait sa baguette à la main. Défensive. Édouard fouilla les environs du regard sans y trouver aucune habitation. “ T'as oublié ton manteau? ” ironisa-t-il, sortant discrètement sa baguette de la poche arrière de son pantalon. “ Ça fait un peu longtemps que tu voles sous le radar, Lena. T'as épousé un beau moldu du Wiltshire, c'est ça? Tu t'es retirée à la campagne? J'irais pas jusqu'à dire que tu m'as manqué… mais ça me fait sacrément bizarre de te voir. ” Une dernière fois, il regarda les environs; eut une pensée émue pour les oiseaux envolée lors de la confrontation; ressera sa poigne sur sa baguette; baissa son centre de gravité; plia les genoux au cas où. “ Surtout ici.
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« Ne t'en fais pas Edouard, tout va bien se passer ... »

C'était la seule fois où tu t'étais réellement sentie proche de lui. Lui saisissant la main, remettant quelques mèches de cheveux couvrant son front en place parmi la masse buissonneuse que tu avais toujours sautant admirée alors qu'il plongeait de nouveau dans un sommeil artificiel pour quelques opérations supplémentaires. Il était loin le temps des chamailleries d'adolescents prépubaires pouvant réagir au quart de tour pour un oui ou pour un non lorsqu'il ne s'agissait pas d'aller titiller la patience de l'autre de son trop plein d'énergie pour tester ses limites. Tester les limites de tes proches était devenu un moyen pour toi de t'entourer des bonnes personnes. Hors de compter dans ta liste d'amis des sorciers qui ne seraient même pas capables de te supporter ne serait-ce que cinq minutes ... Tu jetais un coup d’œil au visage serein d'Edouard qui te regardait sans te voir et serrais une dernière fois sa main, la relâchant délicatement mais précipitamment alors que le chirurgien en chef arrivait, sa baguette fumante à la main. Un sourire en coin accompagna ce mouvement qui masqua tes lèvres et ton expression confiante alors qu'il te souriait lui aussi. De mémoire de vivant, tu ne l'avais jamais vu aussi détendu ... Ni même aussi amoché. Il avait beau avoir perdu une partie de sa superbe, de ce masque de preux chevalier que tu lui avais toujours vu revêtir, tu ne pouvais t'empêcher de te dire que tu le trouvais toujours aussi attirant. Inhumain, inaccessible, intouchable ... Il fallait remédier à ces blessures de guerre et faire quelque chose pour cet oeil ...

« Miss Blackadder, êtes-vous prête ? »
« Oui docteur. »

Ta voix sonnait claire et sûre d'elle alors que tu vérifiais les constantes du patient retranscrites sur des écrans magiquement ensorcelés.

« Qui es ... Edouard ? »
« Lena? »

Sa voix rauque te tira douloureusement loin de ce souvenir qui aurait franchement eu sa place dans la pensine de Dumbledore. Alors que tu étais toujours sur la défensive, les deux pieds bien plantés dans le sol, tu rouvris les yeux sur cette main que tu avais serrée, ce visage que tu avais aidé à soigner du mieux que tu le pouvais et cette tignasse impossible que tu aimais sauvage. Edouard, tu l'avais clairement dans la peau mais même à votre âge, tu sentais que les idioties de ta jeunesse remontaient en toi et n'allaient pas tarder à le frapper en pleine face. Vous aviez certes tous deux mûri et vécu, les bonnes vieilles habitudes ne s'en iraient pas pour autant. Vous aviez grandi ainsi, vous ne vous connaissiez pas autrement ... Qu'en aurait-il été si jamais vous vous étiez entendus dès le premier jour ? Aurait-il été ton binôme en cours de potion ? Ton acolyte de mauvais coups destinés à tester les limites du règlement et des surveillances nocturnes du château ? Ton cavalier aux bals annuels ? Trop de questions auxquelles tu ne pourrais jamais répondre et qui te rendaient un peu triste. Cependant, cette tristesse, tu ne la laissais poindre et revêtais ton expression la plus audacieuse, la plus malicieuse même alors que cet homme impérieux et meurtri te faisait face en se relevant, après avoir été sauvagement perturbé dans ses activités favorites dont tu ignorais l'existence. D'ailleurs, tu regardais encore d'un œil intrigué cette boîte moldue qui t'avait aveuglée. A quoi servait-elle ... ?

« Je pourrais te retourner la question, Blackladder! »
« C'est pas faux ! »

Aouch ... et un point pour lui ! Après tout, il n'avait pas tant tort que ça, n'est-ce pas ? Lui au moins aurait certainement une bonne excuse pour traîner dans le coin avec sa boîte moldue et sa veste légère, cet air innocent et goguenard accroché arrogamment à son visage. Les mécanismes animant ta mâchoire se serrèrent instantanément et tu aurais été un animal, tu aurais certainement grogné ... Tes lèvres se plissaient en une moue pensive alors que tu cherchais encore l'élément qui avait bien pu te faire croire qu'il puisse être une quelconque menace. Hausser négligemment les épaules et observer le paysage alentour comme si tu le découvrais pour la première fois fut ta seule réponse. Depuis que tu étais arrivée ici, tu ne t'étais guère permis de sortir ainsi et prendre un bon bol d'air frais, courir après les faons du coin et faire des tas de feuille pour mieux shooter dedans lorsque tu te sentais frustrer ... Tout ça, tu l'avais seulement imaginé dans cette chambre morne et froide qui était la tienne au manoir en observant la faune et la flore locale à grands renforts de soupirs. C'était pour ton bien qu'on te disait mais toi aussi tu aurais aimé gambader libre comme l'air et insouciamment ... Et tu en étais arrivé là pour quoi ? Pour avoir voulu défendre ta famille ? Pour avoir soigné des innocents ? Des résistants ? Des hommes et des femmes, parfois même des enfants, se prenant en pleine face les répercussions d'une guerre qui avait depuis trop longtemps durée ? Quand tout cela allait-il bien pouvoir se terminer ...

Un voile de tristesse embruma tes yeux un court instant alors qu'à l'image d'une bête en captivité finalement relâchée, tu communiais à nouveau avec la nature. Tu en aurais presque oublier le sentiment d'aise qui venait de t'envelopper alors qu'un léger coup de vent te poussa en avant. Tu gloussas un instant et te ressaisis. Il allait trouver ça bizarre si tu commençais à délirer et agir comme une gosse que l'on emmenait pour la première fois à un concert des Magic Sisters.  « T'as oublié ton manteau? » Ce même constat te fit frissonner alors que tu te rendais compte que la météo était peu clémente et que la saison n'offrait que peu de place à une chaleur tant attendue. Pour te justifier, tu pointas ta baguette de ton autre main, finissant de le prendre pour cible.  « Et ma canne pour taper sur le dos des jeunes hommes inquiétants dans ton genre à l'image des petites-vieilles du coin ... A quoi bon avoir un manteau quand je peux user de la magie ... » Cette magie bienfaisante qui t'aidait au quotidien et sans laquelle tu aurais certainement été perdue. Un sortilège informulé te recouvris afin de protéger tes bras nus et le haut de ton corps seulement recouvert d'une chemise aux manches justement retroussées de bûcheron du froid ambiant. Tu allais lui faire un commentaire sur sa veste peu adaptée pour la saison lorsqu'il s'intéressa à ton cas ... Et à ce sujet, tu aurais préféré qu'il s'abstienne.  « Ça fait un peu longtemps que tu voles sous le radar, Lena. T'as épousé un beau moldu du Wiltshire, c'est ça? Tu t'es retirée à la campagne? J'irais pas jusqu'à dire que tu m'as manqué… mais ça me fait sacrément bizarre de te voir. » Les questions curieuses sur ton mode de vie avaient tendance à te rendre mal à l'aise, surtout lorsque tu étais recherchée et constamment menacée. Est-ce qu'évoquer Sevan était bien avisé dans cette situation ? De toute façon, Edouard ne connaissait certainement pas les moindres détails de ton histoire alors si tu citais simplement ton frère, ça devrait le faire ... n'est-ce pas ? A moins que tu rentres dans son petit jeu et ne t'invente une nouvelle vie ... Un élan de malice te poussa à opter pour la seconde solution afin d'éviter qu'il ne s'attarder trop sur ton sujet.  « Un beau moldu ? Qu'est-ce qui te fait dire qu'il est moldu ? C'est pas parce qu'un individu s'installe en campagne qu'il doit être moldu ! J'ai vu des sorciers traire des vaches tu sais ... C'est un ambassadeur éleveur du dragon et producteur de whisky pur feu originaire du Citrouillekistan. D'ailleurs ma bague de fiançailles est très rare, tu vois, 48 carats et invisible, si ça c'est pas magique ! » Agitant ton annulaire dans les airs, tu finis par t'attarder un peu plus sur le sens de sa phrase car, à vrai dire, tu ne savais pas comment prendre la fin de cette dernière. Dans un sens, il était tout à fait logique qu'il n'ait aucune raison de penser "oh Lena Blackadder et sa baguette réparatrice de bobos et maladies en tout genre me manquent, surtout depuis que je l'ai vue à Sainte Mangouste en uniforme de travail" mais de l'autre ... Tu aurais aimé qu'il soit un peu plus enthousiaste. « Quoiqu'il en soit, tu as l'air de bien aller.  » Tu inspectais les traits de son visage avec douceur, te remémorant de ce visage balafré qui ne t'avais pas dégoûtée contrairement à certaines des stagiaires de Sainte Mangouste qui étaient venues voir ce patient juste pour en apprendre plus sur le métier et les possibles cas à traiter à Sainte Mangouste et cessais avant qu'il ne se sente inspecté au rayon X de tes yeux perçants.  « Mais assez parlé de moi ... Tu fais quoi avec cette boîte Douglas ? Il y a des botrucs dedans ? A moins que ce ne soit une autre question à laquelle tu ne veuilles pas répondre ? » Franchement curieuse, tu baissais les armes, ignorant cette baguette qu'il avait entre temps sortie de la poche arrière de son pantalon et scrutait d'un œil méfiant cet objet du diable.
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Édouard Douglas
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Quoiiiiiii? Non, jamais de la vie. Non mais t'as vu sa tête?

Édouard était le roi de la mauvaise foi. En fait, à chercher dans le dictionnaire, à ce mot, on aurait certainement trouvé son nom et sa photo. Mais le pire moment de sa vie où il avait été vraiment, vraiment de mauvaise foi… c'était toute sa période à Poudlard. Quand le monde tournait rond, qu'il était entouré de ses deux meilleurs amis Rick et Faust, quand tout allait bien et qu'il arrivait encore à se lever le matin sans regretter d'avoir ouvert les yeux.

Honnêtement? Honnêtement? Regarde-moi dans les yeux, Eddie. Honnêtement?Oui, bon, quoi, honnêtement?T'abuses. Vous seriez trop mignons au bal ensemble. ” C'était vrai qu'il avait peut-être un peu exagéré. Blackladder était loin d'être un laideron total. Mais quand même: “ Elle me déteste. ” Faustina roula des yeux avec un grognement exaspéré, regarda le ciel et leva même un peu les bras avec l'air de dire: SERIOUSLY? mais ne rajouta rien de plus. Et ils se détestaient effectivement, d'une manière si subtile qu'elle ne semblait pas exister. Édouard ne se rappelait pas de la première dispute, qui avait emmerdé l'autre, qui avait commencé à chercher la petite bête. Il se souvenait de ses, maintenant mythiques, chamailleries avec Lena Blackladder comme quelque chose d'entier, de général: il se souvenait de leurs baguettes soufflant des étincelles colorées pour faire peur à l'autre; des mauvais coups qui les attendaient même dans le secret de leurs propres salles communes; de leurs potions explosant inopinément; des beuglantes qu'ils s'envoyaient régulièrement pour mieux se fiche de la gueule de l'autre.

Cet Édouard-là manquant à l'Édouard d'aujourd'hui. Maintenant, même si les souvenirs étaient encore vivaces, étaient encore bien gardés et longuement détaillés dans un coin de son esprit, il ne pouvait pas s'empêcher d'avoir l'impression de voir la vie d'un autre.

Tout comme en cet instant précis, dans une campagne reculée du Wiltshire, eux deux comme seules silhouettes à l'horizon. On aurait dit un duo de jumeaux issus d'un film d'horreur, elle toute lumière, toute blondeur, toute beauté simple et indiscutable; et lui toute ombre, tout brun, tout charme retenu et étrange. À la surprise succéda l'incompréhension, et les questions devant dans ses yeux devinrent rapidement méfiantes, presque accusatrices. Il ne l'avait pas vu… eh bien, depuis six mois plus ou moins exactement. Depuis le jour où il était ressorti de l'hôpital, le jour où il lui avait promis de revenir chaque mois pour un check-up usuel mais qu'il ne l'avait jamais fait.

Il sonda ses sentiments pour savoir si elle lui avait manqué.

« C'est pas faux ! » Son exclamation le tira de ses pensées et il fronça toujours plus des sourcils, encore plus méfiant après une phrase — pourtant si bâteau — ainsi criée. Il n'oubliait rien de l'humour douteux de Blackladder, ni de son entrain à faire plein de choses… étranges. Mais c'était ce qui faisait son charme — et il aurait été idiot de ne pas le voir maintenant. Il l'avait remarqué à l'hôpital aussi: la jeune femme qu'il avait connu à Poudlard était loin, disparue, avalée par les aspérités de la vie. Dans sa tête, la fille qui arrêtait pas de l'emmerder à Poudlard et la femme qui l'avait soigné à Ste Mangouste n'étaient même pas les mêmes personnes; et leur seul point commun était leur nom.

Il remarqua qu'elle ne lui répondit pas, et il se demanda secrètement si c'était parce qu'elle évitait la question ou parce qu'elle l'avait tout bonnement oubliée — ce qui ne l'aurait pas lui-même étonné outre-mesure. Ses yeux noirs la détaillèrent de la tête au pied une nouvelle fois, pour bien s'assurer qu'elle était là et qu'il ne parlait pas à une hallucination. Ça aurait bien été la première fois que ça arrivait, mais ça ne l'aurait pas surpris — oh! comme cette pensée était triste! Comme toute réponse, avec une arrogance tranquille qu'Édouard lui connaissait trop, Blackladder haussa les épaules en regardant les alentours avec surprise. Son interlocuteur roula des yeux mais ne put réfréner un petit sourire de venir fleurir sur sa lippe, tant la situation était tant cocasse que ridicule.

Finalement, elle baissa sa baguette et Édouard se détendit légèrement — néanmoins, il ne lâcha pas la sienne et continua de l'extraire avec toute la patience du monde de sa poche, ni pour la brusquer, ni pour lui laisser le temps de l'attaquer. Le temps avait fait des ravages sur sa confiance aux autres, mais aussi sur ses suspicions presque paranoïaques aujourd'hui. « Et ma canne pour taper sur le dos des jeunes hommes inquiétants dans ton genre à l'image des petites-vieilles du coin ... A quoi bon avoir un manteau quand je peux user de la magie … » Pour corroborer à ses paroles, elle se couvrit ses bras nus d'un sortilège informulé. Les sourcils d'Édouard se dressèrent en un accent circonflexe, son sourire sur ses lèvres toujours ironique. Donc elle est du coin? pensait-il. Il garda ces pensées pour lui, préféra lui demander d'une manière un peu aggressive et un peu moqueuse ce qu'elle était devenue.

Il la regarda posément réagir à sa petite pique et il vit, bien avant qu'elle n'ouvre la bouche, la taquinerie faire son chemin dans ses yeux. Cette fois, il parvint à étouffer l'amusement dans l'oeuf, à condamner ses lèvres à ne pas sourire. Un élan de tendresse nostalgique le prenait tout à coup, retors, lui rappelant gentiment les bons temps de Poudlard au parfum d'éternité. « Un beau moldu ? Qu'est-ce qui te fait dire qu'il est moldu ? C'est pas parce qu'un individu s'installe en campagne qu'il doit être moldu ! J'ai vu des sorciers traire des vaches tu sais ... C'est un ambassadeur éleveur du dragon et producteur de whisky pur feu originaire du Citrouillekistan. D'ailleurs ma bague de fiançailles est très rare, tu vois, 48 carats et invisible, si ça c'est pas magique ! » Édouard fit mine de tousser pour cacher son rire.  

Il ne daigna même pas lui répondre. Mais son petit sourire parlait pour lui.

(Il remarqua qu'elle ne portait effectivement pas d'alliance. La chose le rassura quelque peu.)

« Quoiqu'il en soit, tu as l'air de bien aller.  » Aussitôt, son humeur changea. Il était méfiant, ravi, amusé, un rien nostalgique. Il était redevenu le gamin terrible, le géant égoïste qu'il était alors, quand ils s'emmerdaient à n'importe quelle occasion; puis il redevint, très brutalement, le patient dans sa chambre d'hôpital, avec les cicatrices encore à vif, avec les mains tremblantes, avec les crises d'angoisse et de tétanie trop récurrentes. Blackladder lui adressa un regard doux et Édouard sut qu'elle voyait les séquelles de son accident malgré l'illusion, car elle avait été celle qui s'en était occupée, lui avait tenu la main quand personne d'autre n'était là pour le faire, l'avait soigné, l'avait aidé. “ Ouais. Toi aussi, ” répondit-il néanmoins, un peu bourru. “ T'as pas changé, continua-t-il avec hésitation. Toujours cette même tête. ” Le monde entier aurait été incapable de dire si dans sa bouche, c'était un compliment ou au contraire une insulte. Lui-même l'ignorait.

« Mais assez parlé de moi ... Tu fais quoi avec cette boîte Douglas ? Il y a des botrucs dedans ? A moins que ce ne soit une autre question à laquelle tu ne veuilles pas répondre ? » Elle baissa à nouveau sa baguette — définitivement, devina Édouard — mais lui ne lâcha pas la sienne. Il n'osait pas bouger, de peur qu'elle ne soit pas seule mais avec… Merlin savait qui. Un autre fou capable de lui sauter sur le dos sous prétexte qu'il aurait fait un mouvement suspect. “ C'est un appareil photo, Blackladder. ” Il le leva au niveau de son visage et le pointa en direction de Lena. Il désactiva le flash (qui devait avoir fait un effet tout à fait affreux sur la photo qu'elle avait prise accidentellement — il regarderait en développant) puis prit une photo, là, comme ça, d'elle au milieu de nulle part, l'air hagard et un peu méfiant.

Tu crois que les images sur la Gazette sont faites comment? Allez, fais travailler ton gros cerveau de serdaigle. De la peinture? Non, Lena. Des photos. ” Il leva les yeux au ciel. Il n'était pas prêt à avouer au monde qu'il adorait photographier les oiseaux donc il ne s'épancha pas sur la raison de sa présence dans le Wiltshire avec un appareil photo dans les mains. “ Ça immortalise les moments. Capture les images. Tu sais ce qu'est une photo, hm? ” Il leva à nouveau les yeux au ciel. “ Et comment va ton fr-- ” Il s'interrompit avant de finir.

C'était une question normale, non? Demander comment vont les frères et les soeurs? Lui-même avait encore un frère. La différence était que Frederick n'était pas le chef de ce que l'on appelait la… Résistance.

Les yeux d'Édouard s'étrécirent, alors qu'il les portait à nouveau sur les Lena et la transperçaient de parts en parts. Ses doigts se serrèrent sur sa baguette et il la leva lentement, avec la patience d'un diable, jusqu'à la pointer sur elle; ses yeux, rassurés maintenant qu'elle n'allait pas s'enfuir en courant de peur de se prendre un sortilège paralysant dans le dos, fouillèrent à nouveau les environs à la recherche d'un corps, d'un reflet, d'une ombre étrange — mais il n'y avait personne. “ Où sommes-nous, Lena? Something is off. D'où viens-tu? J'imagine que tu résides pas loin mais il n'y a rien dans les environs. ” Il commence à imaginer les choses les plus folles. Si ça se trouve elle s'est envolée avec son amant moldu du Citrouillekistan et elle ne veut que personne le sache? Pourtant, Édouard a le pressentiment que la vérité est ailleurs…
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Lena Blackadder
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Ces yeux ... ils te faisaient penser à un puits dans lequel tu te serais volontiers laissée tomber si tu en avais eu le temps et le loisir, seulement, tu avais une mission aujourd'hui et celle-ci était de surveiller les alentours et t'assurer que personne ne pénètre au cœur du QG des résistants, de la magnifique Saint James masquée par un sortilège de dissimulation étonnant. Toi, tu le voyais, aussi massif qu'une baleine en plein océan remontant à la surface pour arroser les pêcheurs et secouer la mer tant et si bien qu'elle en faisait chavirer certains. Lui, en revanche, ne voyait que du feu, ou plus précisément, Dame-Nature sous sa plus tranquille apparence. Des arbres, de l'herbe, des nuages et certainement des oiseaux et insectes en tout genre. La magie était étonnante ... et en te faisant étudier de la tête au pied du tranchant de ses yeux, tu aurait toi aussi aimé disparaître.

....

« Douglas est un imbécile ... »
« Qu'est-ce qu'il t'a encore fait ? »
« Beuglante et botrucs glissés sous la couverture de mon lit ... on est pas loin du cocktail habituel ...   »
« D'où vous vient cet acharnement mutuel ? »

Un léger soupir vint accompagner sa question et tu ne pus empêcher le coin de tes lèvres de s'étirer au souvenir de vos premières rencontres. Tu l'avais vu et PAF, il devait en être ainsi. Il t'avait remarqué et c'était presque naturel entre vous de vous balancer des piques à longueur de journée. Bon en première année, il n'y avait presque aucun danger que vous ne recourriez à la magie pour vous affronter mais les années passaient et bien vite, tu n'hésitais pas à le provoquer à chaque recoin de couloir où vous vous croisiez, provoquant les rires et la curiosité de vos camarades qui -même s'ils étaient habitués à force- surveillaient l'évolution de votre lien avec attention. Les filles lançaient des rumeurs à votre sujet, les garçons s'en fichaient mais te jetaient parfois des regards interrogateurs car bien que tu sois jolie, tu es aussi extrêmement chiante ... Ils devaient certainement se demander pour quelle raison ce pauvre Edouard continuait à battre le fer en ta compagnie ? D'ailleurs, n'en était-il pas fatigué ?

« Depuis la nuit des temps Beth ... la nuit des temps ... si ça n'est plus ! Je suis sûre qu'on s'affronte depuis des siècles. »
« Moi je suis sûre qu'il y a quelque chose d'autre. »

Ses sourcils se levaient et s'affaissaient à une vitesse impressionnante que tu ignorais de ton air dédaigneux habituel et faisait s'envoler les restes poussiéreux de cette idée malsaine d'un reversde main et d'une expression faussement dégoûtée.

« Douglas ? Et moi ? Non mais t'as vu ses cheveux ? »

De façon tout à fait sérieuse, tu dévisageais ton amie et faisait tourner ton index dans le vide à hauteur de ta tempe afin de lui indiquer qu'il y avait certainement un petit problème dans son crâne et qu'elle ferait bien mieux de consulter l'infirmière du château. Chose à laquelle elle se contenta de répondre par un haussement d'épaule et d'un soupir las, persuadée d'avoir raison.

« Tu choisis de ne pas m'écouter aujourd'hui Lena mais un jour tu te diras "Beth avait raison" et à ce moment là, tu regretteras de n'avoir rien fait à l'époque. »

Ses mots revenaient à mon esprit comme l'aurait fait un rêve datant de la veille au soir et revenant te hanter, dévoilant de plus en plus de détails à mesure que la journée ne défile et que tu finisses par croire en connaître les moindres détails. Certes il était là mais ... et si Beth avait eu raison ? Ses certitudes, tu les avais longuement considérées mais à chaque fois tu n'avais pu t'empêcher de les rejeter. Lui et toi c'était un peu l'eau et le feu, le feu contre la glace, les Canons de Chudley contre les Harpies de Holyhead , des runes n'ayant rien à faire dans la même phrase ... Il n'y avait aucun moyen que vous enterriez un jour définitivement la hache de guerre. D'ailleurs, tu le connaissais presque par cœur maintenant et la moindre des expression qui venait se poser sur son visage te révélais ce qu'il pouvait potentiellement penser de tes tirades sans fin ou de ta folie médiévale aux accents de châteaux-forts. Interpréter ce qu'il pouvait penser au fond de lui avait été ton passe-temps préféré il y a de cela plus de dix ans maintenant ... et cela ne te rajeunit guère ... tu aimais l'observer -souvent très mal cachée derrière une armure d'un couloir peuplé- et imaginer les commentaires qui pouvaient bien émerger dans son crâne lorsqu'il croisait quelqu'un ou écoutait ou encore assistait à un cours et devait se taire pendant une heure ou moins selon le répits que tu lui laissais s'il était dans la même classe que toi avant de lui balancer un truc ou un sort pour briser un pied de sa chaise alors qu'il s'endormait.

Les souvenirs sont précieux ... Et ils eurent pour effet de faire se détendre les traits nerveux de ton visage qui retrouva bientôt son aise naturel et sa superbe quotidienne. Même tes mots surgissaient d'entre tes lèvres sans même te laisser le temps de réfléchir. Avec certaines personnes, tu cherchais tes mots, bafouillais ou même préférais te taire mais avec lui, c'était .. comment dire ... naturel, oui, c'est ça. Un peu comme cet espace paisible et parfait qui vous entourait. Alors qu'il se forçait à ne pas réagir à tes inventions grotesques au sujet d'une vie que tu n'avais jamais vécue, tu balayais le sol d'un pied distrait et observais une coccinelle voler à hauteur de ton visage en souriant. Tu avais beau être une femme maintenant, ton innocente jeunesse revenait parfois prendre le dessus et la gamine qui était morte lorsque presque tous ceux à qui tu tenais étaient partis reprenait des forces en se raccrochant à d'autres choses qui pourraient moins te heurter.

“ Ouais. Toi aussi, laissa-t-il glisser le long de ses lèvres trop souvent pincées alors que tu souriais. Tu ne souriais pas souvent et passais le temps à emmerder ton petit monde à Saint James et, rien qu'à sentir ton sourire étirer et éclairer ton visage, tu te sentais déjà un peu différente. “ T'as pas changé, Toujours cette même tête. ” Il avait hésité et sa sentence fut irrévocable. Direct et un tantinet sauvage, il l'était et ça, tu savais l'apprécier à sa juste valeur. Il y avait peu de personnes comme Edouard sur ce monde et cela t'aurait presque rendue triste car même s'il pouvait être agressif et désagréable, il avait le don de te faire te sentir vivante. En lui tendant ainsi la perche d'une nouvelle provocation en le dévisageant, tu prenais en plein fouet ce commentaire qui aurait pu être ou positif ou négatif puisque ça, personne ne pouvait le savoir. Tu ne savais même pas si lui avait balancé ça comme un compliment ou un reproche mais, de toute façon, tu t'en fichais. « Tu parles de ma tête mais t'as vu tes cheveux ? » Ces mèches d'un noir de jais avaient toujours été le centre de tes moqueries cachant en réalité cette admiration que tu avais pour cette touffe avec laquelle tu aurais aimé jouer. Bien loin de toi l'idée de vouloir coller magiquement les mèches entre elles et lui faire ressembler à un punk à son réveil comme tu l'avais fait lorsque vous étiez en quatrième année, tu aurais eu envie de les remettre en place cette fois-ci, à l'image de ces gestes emplis de douceur que tu avais exécutés lorsqu'il était sous tes soins à Sainte Mangouste.

Ces premières politesses échangées, tu reposais ton attention sur ce boîtier étrange qui allait aspirer ton âme alors qu'il le levait à hauteur de ton visage et à hauteur de ses yeux. “ C'est un appareil photo, Blackladder. ” L'observant avec méfiance, tu reculas même un peu de peur de voir cette même boîte se transformer en détraqueur de poche et alors que, tout en t'expliquant de quoi il s'agissait, il finissait par presser la détente. « Et moi je suis Merlin l'enchanteur ... » Un CLIC sec se fit entendre. Tu fis tourner ta baguette en fermant les yeux et laissa s'échapper de ta baguette un moineau aux contours argentés originaire de cet EXPECTO PATRONUM qui venait quant à lui de sortit d'entre tes lèvres, faisant vivre ce morceau de bois que tu avais de nouveau brandi. Les volutes de fumée volatiles tournaient autour de ta tête alors que tu continuais à fermer les yeux et protéger tes yeux du flash de lumière que tu attendais de voir si jamais tu avais la mauvaise idée de rouvrir tes paupières. Cependant, nulle impression de froid ou d’emprisonnement ou d'arrachement de l'âme de ton être ... Juste Edouard, sa voix moqueuse, son rire même et son étonnement quant à ton manque de connaissance en matière de passes-temps moldus. [color:15d5=darkseagreen.]“ Tu crois que les images sur la Gazette sont faites comment? Allez, fais travailler ton gros cerveau de serdaigle. De la peinture? Non, Lena. Des photos. ” Il marquait un point. “ Ça immortalise les moments. Capture les images. Tu sais ce qu'est une photo, hm? ” Ton intelligence en avait pris un coup mais tu reprenais de ta superbe et levais le menton l'air de rien, tendant le bras impérieusement, exigeant de toucher la précieuse boîte pour l'essayer à ton tour. « Ouais bah Monsieur le spécialiste des moldus, moi mon truc c'est la médecine, pas l'emprisonnement d'âme en boîte ou le journalisme forestier ... Je peux essayer ? T'es sûr que ça va pas me bouffer ... ? » Tu ne pouvais t'en empêcher, les bibelots d'origine moldue faisaient se dresser les poils de tes bras et te rendaient mal à l'aise. « Tu sais pourtant que les cours d'étude des moldus c'était pas mon truc à l'école ... » Cherchant une excuse à cette nouvelle lacune, ton cœur se calmait alors qu'il avait battu la chamade comme jamais au son du Clic menaçant. Tu pouvais certes te servir d'une bouilloire et d'une casserole mais à petite dose. Tu savais très bien et peut-être même mieux que n'importe qui ce qu'un four pouvait réserver comme mauvaise surprise en ayant observé celui de Saint James commencer un feu de joie la dernière fois que tu avais joué avec ses boutons.


“ Et comment va ton fr--

Il se stoppa en plein élan alors que tu faisais tourner entre tes mains l'objet mystérieux et que ton corps se paralysais à nouveau. Lentement, tu levas ton visage et le dévisageas avec surprise. Était-il possible qu'il soit venu pour récolter plus d'information au sujet du chef de la résistance ? « Mon ... Sevan ? » Combien de frères te restait-il Lena ... Oui, Sevan ! Allô la terre, ici la lune ! Cette mise en quarantaine ne te réussissait décidément pas ! « Depuis quand tu t'intéresses à Sevan, Douglas ? » De mémoire de sorcière et médicomage, jamais tu ne les avais vus ensemble alors, pour quelle raison souhaitait-il absolument se renseigner à son sujet ? Cela aurait aussi pu être une politesse de plus, un intérêt feint pour cette vie que tu menais et ... ouais mais Sevan était quand même le chef de la résistance ... Awkward  était le mot approprié alors qu'il levait à nouveau sa baguette, te menaçant carrément cette fois-ci. “ Où sommes-nous, Lena? ” Tu sentais les muscles de ton corps se tendre sous la pression, ton corps entier venait de se tendre alors que tu appuyais nerveusement sur quelques boutons de l'appareil photo. D'où viens-tu? J'imagine que tu résides pas loin mais il n'y a rien dans les environs. ” Trop de questions ... vraiment trop ... Jouait-il l'innocent ou ne savait-il réellement pas où il avait atterri ? Tu préférais ne pas prendre de risque et bougeais au ralenti. « Edouard ... baisse ta baguette ... » La peur s'empara de toi. Tu le voyais à présent au service des Mangemorts et ne souhaitais pas finir une fois de plus entre leurs mains, emprisonnées, utilisée comme appât pour piéger de nouveau Sevan ... « je ne le répéterai pas deux fois ... » Il n'avait pas l'air de vouloir baisser sa garde ni même cette baguette qui aurait pu avoir raison de toi si jamais tu avais décidé de t'enfuir ... mais ... il n'y avait pas trente-six solutions. Alors, pour te défendre et survivre, tu appuyas à ton tour sur le bouton qui activait le flash en t'approchant de lui rien que pour l'aveugler et partis au pas de course en laissant s'échapper à hauteur de son oreille droite. « Vous ne m'aurez pas une seconde fois ... Vous n'atteindrez jamais plus Sevan ! » Dire que tu te fourvoyais était loin de la réalité mais, comment te reprocher ta réaction alors que tu étais menacée et recherchée ? A cet instant, il ne faisait aucun doute qu'Edouard était une menace. Tes jambes avaient commencé leurs courses et tu ne savais pas combien de temps tu tiendrais mais tu tenais à mettre le plus de distance possible entre lui et toi. Crier n'aurait servi à rien alors tu te contentais de haleter en piquant ce sprint incroyable. « C'est pas possible ... pas toi Edouard ... pas toi ... » laissais-tu s'échapper alors que tu ralentissais, une pointe de côté te paralysant presque dans ton effort.
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Édouard Douglas
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they slipped briskly into an intimacy from which they never recovered


Les souvenirs avaient un goût amer.

Les souvenirs avaient goût de rêves, quand il pensait à Poudlard. Quand il pensait à tous ces réveils compromis par des beuglantes trop matinales, quand il pensait aux regards (qu'il pensait curieux à l'époque, voire désapprobateurs: maintenant, Édouard comprenait qu'ils avaient été moqueurs, que les soupirs sur les lèvres des autres élèves étaient plus de l'apparat de regardez-les, ces idiots, à se tourner autour (ce n'était jamais arrivé! promis!)) qu'on leur décochait, quand il pensait aux cours où ils se lançaient discrètement des bombabouses à la figure, où ils glissaient des éléments volatiles dans les potions de l'autre, quand il pensait à tous ces petits instants volés à l'âge adulte, à une sévérité enfantine malsaine, à un trop grand sérieux dans son caractère de grand frère, quand il pensait à tout cela, il avait comme un pincement au coeur, une envie d'y retourner, de marcher à travers le temps, les âges et les ans pour refaire la connaissance d'Édouard Douglas et Lena Blackladder, les deux pires ennemis impossibles.

Les souvenirs devenaient des cauchemars, quand il pensait à Sainte-Mangouste. Quand il pensait à tous ces réveils, la bouche grande ouverte sur des hurlements inhumains, quand il pensait à l'angoisse quand la pleine lune approchait et qu'on lui administrait avec une régularité médicale la potion Tue-Loup, quand il pensait à ses mains si froides, si douces sur sa peau, presque câlines avec ses cicatrices, ses blessures, ses fêlures, quand il pensait à son regard, où se heurtaient pitié et une sorte d'affection qu'il ne lui avait jamais connu à son encontre, quand il pensait à sa patience sans limite, sa voix douce maîtresse de ses angoisses, sa voix dure maîtresse de ses dépressions, quand il pensait à tout cela, tant de souvenirs si délicats, si doux, si précieux, il avait envie de les oublier, de les rayer, de les enlever, de les voler pour ne plus jamais les vivre avec la même dureté, la même souffrance.

Il aurait aimé rester sur l'image de Lena Blackladder telle qu'il l'avait vue pour la dernière fois à Poudlard: sur le quai 9¾, entourée de ses amis et de sa famille, souriante et ravissante, lui adressant un regard malgré la distance, un clin d'oeil lui échappant comme la promesse que ce qu'il y avait entre eux n'était pas fini.

Mais elle n'était plus ça, désormais. Elle était celle qui l'avait vu sans fard, sans sort, sans défense, sans rien. Sous ses yeux, Édouard se sentait honteux de sa nature, honteux de ce qu'il était, honteux de ce qu'il cachait au monde.

Il était plus simple de surfer sur une rivalité ancienne. De se remémorer les joyeux temps de Poudlard. De lui répondre au tac-au-tac avec un tel soulagement (comme il aurait détesté qu'elle s'inquiète pour lui! qu'elle lui rappelle, avec la malice d'un poignard et la violence d'une épée, la bête qu'ils savaient tous les deux qu'il était!). De la regarder avec le regard de l'Édouard de l'époque, le Douglas tout en sévérité et vannes dégueues et mauvaises, le Douglas avec le diable au corps, la violence brusque dans chacun de ses gestes, la tête haute, l'envie d'en découdre, de montrer sa valeur coûte que coûte, d'être le plus fort, le plus grand, pour laisser voir au monde qu'on ne pouvait l'embêter ni lui ni sa maison ni sa famille ni personne, impunément.

Maintenant, il se sent gamin sous son regard, réduit à plus grand chose. Il voit dans les prunelles de Blackladder tout ce qu'il a été à Sainte-Mangouste et même s'il essaye de ne pas y penser, il n'y arrive pas. Après tout, c'est qui il est maintenant: une sorte d'abomination. Oublier aurait été trop simple.

« Tu parles de ma tête mais t'as vu tes cheveux ? » Un sourire écorche ses lèvres comme un poignard, indiquant une fossette sur sa joue, une lueur trop ancienne dans ses yeux. Il se rappelle de toutes les gentilles insultes qu'elle lui a lancé à ce propos, tous ces sortilèges dont elle l'a maudit pour les coller, les colorer, les raccourcir le temps d'une journée, les rallonger constamment le temps d'une semaine, les mettre en épis, les rendre plus plats qu'une planche. Comme une insulte, Édouard lève la main et la glisse entre ces fameuses mèches trop sauvages, trop bouclées, les ébouriffant avec la violence que la négligence confère. “ Soyeux comme toujours, Blackladder. Quand t'en convaincrais-je? ” Sa voix est joueuse, ses traits plissés de ce qui ressemble à un sourire mais n'en est pas un. On pourrait presque le voir tel qu'il a été dix ans plus tôt: un brin suffisant, un brin moqueur, toujours avec cette lueur au fond de son regard, comme si le monde était une blague qu'il était le seul à pouvoir comprendre.

Et toujours cette lueur, ce rictus sur ses lèvres, quand il enclenche l'appareil photo et que Lena Blackladder se fige sur place, la terreur s'installant bientôt sur ses traits aussi vite qu'un fléreur engloutissant une souris. Avant même qu'Édouard ait pu réagir, elle a lancé son magnifique patronus, qui volète — un moineau commun, reconnait aussitôt Édouard, fidèle à son hobby — quelques instants dans les airs sans trouver de Détraqueur à se mettre sous le bec. Il regarde la chose avec un oeil grand ouvert, admiratif et esthète, un respect qu'il n'essaie même pas de cacher. Il n'a jamais réussi à en produire, de joli patronus (et combien de fois Fol Oeil l'a engueulé à ce propos! combien de fois lui a-t-il crié qu'il ferait comment, hein, en tant qu'horreur, si un Détraqueur l'attaquait! et combien de fois Édouard a rétorqué, avec la sincérité naïve de l'innocence, que les Détraqueurs étaient du côté du ministère, du côté des aurors! “ OUI MAIS, MONSIEUR DOUGLAS, VIGILANCE CONSTANTE! ”). Il n'a jamais réellement essayé, peut-être.

Quand Lena rouvre les yeux et abandonne son sortilège au néant, Édouard accueille son retour à la réalité avec un air moqueur. « Ouais bah Monsieur le spécialiste des moldus, moi mon truc c'est la médecine, pas l'emprisonnement d'âme en boîte ou le journalisme forestier ... Je peux essayer ? T'es sûr que ça va pas me bouffer … ? » Il arque un sourcil, vaguement réticent, vaguement amusé. “ Je ne prends pas en photo les forêts, Blackladder, dit-il simplement, sans plus s'épancher sur la question. — Tu sais pourtant que les cours d'étude des moldus c'était pas mon truc à l'école … » Il hausse les épaules comme toute réponse et lui envoie négligemment l'appareil photo qu'elle rattrape à la fin de son court vol. “ Mets la lanière, s'il te plait, j'aimerais pas que tu le fasses tomber. Je connais ta grande abilité, Blackladder… mais je te fais pas confiance à ce point, ” grogne-t-il. Elle le fait tourner entre ses doigts avec curiosité et intérêt, et Édouard en profite pour lui faire la causette.

Ou presque.

Qui ignore que Sévan Blackladder est recherché par les aurors, le ministère, le ministre lui-même? Que sa tête est mise à prix? Et qui ignore que Lena et Sévan sont très proches? Surtout pas Édouard, qui connait le premier grâce à leurs anciens boulots d'auror, et connait la seconde sur le bout des doigts après sept ans à lui mener la vie plus ou moins dure. « Mon ... Sevan ? Depuis quand tu t'intéresses à Sevan, Douglas ? » Elle est sur la défensive. Les traits d'Édouard se froncent alors qu'il lève sa baguette, soudainement tiraillé entre l'envie d'en savoir plus, et de s'enfuir à toutes jambes du danger qu'il sent émaner d'elle, de Sévan qui ne peut pas être loin, et de l'endroit en général. “ Je ne l'ai pas vu depuis qu'on était tous les deux aurors… et il a une jolie place à la fin de la Gazette tous les jours, ” dit-il et il ne reconnait pas sa voix, trop froide, trop inflexible peut-être.

Il ne veut pas être menaçant mais parfois c'est plus fort que lui: sa formation de flic, d'auror, lui revient comme une balle au bout d'un fil élastique.

« Edouard ... baisse ta baguette … » Il ne bouge pas (et pourtant, elle le connait si bien: elle ne peut que voir l'indécision sur son visage, l'écarquillement délicat de ses yeux, la manière dont les muscles de sa joue jouent sous sa peau, tension et nervosité et incompréhension). « je ne le répéterai pas deux fois … » Il ne bouge pas. Il ne peut pas. “ Pas avant que j'ai des réponses. Qu'est-ce que-- ” Il n'a pas eu le temps de finir: elle est trop rapide pour lui. Elle s'est approchée de deux pas, a brandi l'appareil photo et par quelque miracle, a fait fonctionner le flash qui vient d'aveugler l'oeil voyant et hypersensible d'Édouard.

« Vous ne m'aurez pas une seconde fois ... Vous n'atteindrez jamais plus Sevan ! » entend-t-il à travers la douleur qui, aussi rapidement qu'elle lui est venue, s'efface. Aussitôt, Édouard fait volte-face, jette son bras pour l'attraper avant qu'elle ne s'éloigne; mais déjà, elle commence à courir à travers bois et si, au début, il se met à la poursuivre, bientôt, c'est sa jambe boiteuse qui le rattrape et il s'arrête avant même d'avoir pu vraiment commencer la course-poursuite. “ Accio appareil photo. Accio appareil photo! ACCIO APPAREIL PHOTO! ” hurle-t-il de rage, et quelque part, son appareil au coût inestimable s'arrache des doigts de Lena pour voler vers lui. Et ainsi devrait tout finir: lui récupérant son appareil, elle courant Merlin sait où; mais il l'attend de pied ferme.

L'appareil photo réapparaît bientôt avec Lena non loin, la courroie toujours autour du cou. Édouard lui adresse un sourire de prédateur.

Même pas désolé.

Elle est un peu ridicule et lui exulte une satisfaction moqueuse: on les dirait à leur dernière année à Poudlad, comme s'il venait de lui jouer un énième tour. Il lui adresse le même regard satisfait, la même moue arrogante, la même posture suffisante. Elle est obligée de suivre, étranglée à moitié par la lanière, piteuse.

Lena est si proche, maintenant, quand il a l'appareil dans les mains et qu'elle est au bout. Il sent la peur, l'appréhension, l'adrénaline dans ses veines. Il a l'impression qu'elle va lui tomber d'épuisement dans les bras. Sa respiration est sifflante, il devine qu'elle a un point de côté. Avec une douceur presque touchante, il lui retire la courroie (ses doigts effleurent la peau laiteuse de son cou, replacent délicatement ses cheveux sur ses épaules) et reprend, possessif, l'appareil. Elle est si proche, il en profite pour la détailler comme jamais avant: le grain de beauté sous son oeil, ses iris bleu clair entourés d'un trait plus sombre, sa bouche comme un V sur sa face. “ Tu me prends pour qui, Blackladder? ” Il grogne à nouveau, bestial, lupin peut-être.

Il recule d'un pas, de deux, de trois, lui montre sa baguette bien en évidence et la pose parterre. Il garde les mains levées, à sa merci. “ Réponds à mes questions, s'il te plaît. Et réponds de ton comportement. Je suis désarmé, je peux même te redonner mon appareil aspirateur d'âmes si tu le désires. ” Un silence un peu trop lourd plane. Il dégaine un sourire en coin qui répond mal de son coeur qui bat follement dans sa poitrine, prêt à en sortir en défonçant toutes les portes ouvertes. “ Fais gaffe à la lanière en revanche.

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Lena Blackadder
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I feel the chemicals burning my bloodstreams


Cette fois-ci, se sont ses taches de rousseurs qui attirent le rayon X de tes yeux aiguisés et plissés à l'image du regard impardonnable et hautain de cet aigle qui émanait d'un temps lointain de ta baguette lorsque le sortilège de Patronus s'échappait d'entre cette prison pourvu de dents occupant la partie inférieure de ton visage que tu sens bouillir d'excitation en te remémorant les souvenirs du passé vous liant l'un à l'autre. Ces joues chaudes te rappellent les humiliations éclairs qu'il te faisait subir et auxquelles tu répondais à grand renfort d'imagination pour mieux pourrir ses jours et ses nuits. Tu te rappelle même ce jour où, après l'avoir privé de sommeil quatre jours de suite, il s'était réveillé en retard pour ce grand jour d'examen annonçant les vacances de Noël. Et dire qu'au fond de toi tu espérais que malgré ce coup monté il finirait par t'inviter au bal de Noël ... Tu pouvais bien rêver, blondie, et trouver d'autres stratagèmes pour lui faire payer son indifférence volontaire alors que tu le voyais descendre fièrement les marches des escaliers sans fin menant au rez-de-chaussée et sur le chemin menant à la grande salle redécorée pour l'occasion alors qu'il se pavanait aux côtés de sa blonde, sa brune ou parfois même sa rousse en fonction des années ... Et toi, tu serrais les dents et t'extirpais des bras de ton cavalier qui, trop content de pouvoir t'inviter à danser, finissait toujours la soirée seul ou alors en compagnie d'une autre élève. Dure réalité ...

Cette main se glissant négligemment dans cette crinière impossible te fait lever les yeux au ciel alors qu'il se vante de cette merveille capillaire qui est la sienne. « Soyeux comme toujours, Blackladder. Quand t'en convaincrais-je? » Ton sourire reste. Il est toujours resté accroché à tes lèvres et ce quelque soit la situation, même lorsque tu l'as vu arriver sur ce brancard recouvert de sang à la suite de cette attaque terrible ayant fait de lui ce qu'il était aujourd'hui. Rassurant, doux, chaleureux et parfois même trompeur, tu avais toujours su sourire face à l'adversité, te convainquant que même face aux pires aléas du destin, tu pouvais t'en parer et affronter cette tristesse bien trop souvent fatale. Cette rangée de dents blanches parfaitement alignées avait été ton allié pendant bien des années faisant pencher la balance en ta faveur ou déstabilisant tes ennemis qui s'énervaient toujours avant toi. Encourageant, tu l'imaginais qu'il l'avait été alors qu'Edouard était en convalescence et était tout sauf optimiste. Tu avais su être sévère mais également douce et de bon conseil et le tout agrémenté d'un sourire. Car même si tu savais garder ton sérieux, rares étaient les fin de phrases que tu prononçais dénuées de sourire en guise de point final. « Soyeux ... ne me fais pas croire que tu échappes aux nœuds mêlant tes précieuses boucles entre elles lorsque tu te lèves le matin, surtout pas après tous les sortilèges que je t'ai balancés ... je suis d'ailleurs sûre que tu as plus de peignes et de brosses que moi ! » Tu peines à avouer qu'il a une magnifique tignasse et tu ne lâcheras certainement pas l'affaire, surtout pas après tant d'années à lui faire croire que tu en voulais à sa masse capillaire ...

Alors, il peut bien rire le Douglas au poil long mais rira bien qui rira le dernier. Il te menace du bout de son appareil moldu ? Qu'il en soit ainsi, tu contre-attaqueras à l'aide de sortilèges ! Bon le but n'est pas de le blesser mais de parer à toute éventualité alors, le sortilège du patronus te semble le plus approprié ... Sa réaction te surprends lorsque tu oses regarder en sa direction de nouveau après qu'il ait osé capturer une image de ta posture à cet instant même. Au lieu d'être moqueur -et ce même si cela ne saurait tarder- il a l'air fasciné par cette volute digne des émanations des meilleurs cafés du monde qui prend la forme du moineau que tu as l'habitude de voir se former lorsque tu te concentres sur le souvenir de ta libération orchestrée par ton frère car même si tu lui reproches parfois d'être tombé dans le piège qui lui était tendu, tu te souviens encore de ce soulagement t'ayant permis de tenir debout et sortir de cette captivité loin d'être désirée, ce bonheur de le revoir sain et sauf alors que tu t'imaginais qu'il se ferait prendre car même si tu étais loin de remettre en question son talent et ses compétences, tu te méfiais de la ruse de l'ennemi ... Alors, tu apprécies toi aussi le vol du volatile et ose même commenter la situation. « Et c'est ainsi qu'Edouard Douglas tomba amoureux d'un piaf ... j'ai maintenant la preuve que tu n'es pas sans coeur Ed ! »

Vous échangez un regard empli d'étincelle comme à vôtre habitude et il te laisse finalement examiner son engin à la mécanique complexe. Mettre la lanière ? Tu te retiens d'aller à l'encontre de son souhait et obtempère. Pourquoi t'opposerais-tu à sa requête alors qu'il accepte volontiers de te faire goûter à des plaisirs et loisirs inconnus ? Tu lèves précautionneusement l'appareil à hauteur de ton visage et pose ton regard au creux de l'objectif et donc ... dans le mauvais sens. A travers ce dernier, tu ne vois rien et commence à pester. « Il ne marche même pas ton machin ... » Tu le tournes dans tous les sens et après plusieurs minutes de galère intense, alors que tu allais finir par en comprendre l'utilité et l'usage, le doute et l'inquiétude te saisit par le col. Tu te stoppes immédiatement et c'est ainsi que commence un nouvel affrontement.

Sa voix te recouvre comme le feraient les gouttes d'une douche froide de bon matin, te réveillant presque d'une transe parfaite au sein de laquelle tu évoluais avec aisance. “ Je ne l'ai pas vu depuis qu'on était tous les deux aurors… et il a une jolie place à la fin de la Gazette tous les jours, ” Etait-ce de l'ironie ? Du sarcasme peut-être ? Ou alors une moquerie ? Bien entendu, tu percutais finalement que ton frère n'était pas n'importe qui et que tu étais sa soeur ... Tu étais même recherchée et ça, tu l'avais presque oublié en tombant littéralement sur Edouard, photographe forestier d'un jour. Ton instinct de survie prend cependant le dessus et alors qu'il agit de façon menaçante, tu n'as qu'une envie : prendre tes jambes à ton cou en espérant que son état l'empêche de te suivre. Il ne cède pas et tu refuses de le menacer à ton tour de ta baguette. Le seul objet qui pourrait assurer ta survie est ce foutu engin moldu avec lequel tu fuis. Accroché à ton cou, battant contre ta poitrine, tu le sens s'envoler et le rattrape de justesse, maintenant ta main dessus.

C'est finalement le souffle court et finalement coupé que tu fais demi-tour alors que tu te pensais déjà hors d'atteinte. Les yeux exorbités, les jambes traînant sur le sol alors que tu essaies de te battre contre le sortilège d'attraction de l'objet qui enserre cette lanière -tu aurais mieux fait de ne pas l'écouter et ne pas l'enfiler cette foutue lanière- autour de ton cou te privant d'air. C'est suffocante et bleuie que tu finis par te retrouver à ses pieds. La lanière se desserre, un contact s'opère entre ses doigts qui manipulent avec douceur cet outil traitre et s'attarde sur ta peau et tu te laisses tomber au sol après avoir toussé, craché et peiné à retrouver un rythme de respiration normal. Tu te forces à te calmer alors que ce qui t'entoure est flou. Les informations peinent à remonter à ton cerveau mais, derrière cette respiration sifflante et pesante qui est la tienne, tu parviens finalement à percevoir le son de sa voix et à le voir plus clairement et une fois de plus, ton attention se porte sur les petites tâches de rousseur qui colorent son visage aux traits tirés. “ Tu me prends pour qui, Blackladder? ” Tu le repousses du bout du bras et te redresse sur ton arrière-train, haletante, parvenant à cracher entre tes dents et d'une voix rauque « un putain de traître. » Il ne semble cependant pas hostile et les phrases qui suivent vont te prouver le contraire. Seulement, pour l'instant, tu es encore perdue et sur la défensive. « Depuis quand on traîne ses anciens camarades de classe par le coup Douglas ... » Un grognement s'échappe de sa gorge, te faisant légèrement sursauter. Le corps tremblant, tu l'observes avec méfiance du coin de l'oeil et n'oses plus bouger.

Jusqu'à ce qu'il se désarme et recule, tu ne fais que l'observer et finis par te détendre seulement au moment où le morceau de bois touche le sol et quitte ses mains. A ce moment là, tu soupires et tes sourcils finissent de s'arquer. Tu fermes les yeux un instant et recouvre ton visage de tes mains. Et dire que quelques minutes auparavant tu te voyais déjà en route pour rejoindre une cave puante ou une cellule de pierre froide agrémentée de chaînes t'agrippant les chevilles, les poignets et même le cou ... Tu réagissais au quart de tour mais Sevan aurait certainement approuvé ta méfiance. En revanche, le fait que tu te fasses ramener par un sortilège d'accio, un peu moins. « Réponds à mes questions, s'il te plaît. Et réponds de ton comportement. Je suis désarmé, je peux même te redonner mon appareil aspirateur d'âmes si tu le désires. ” C'est une petite voix qui s'échappe d'entre tes lèvres alors que tu jettes un regard en direction de l'appareil, tendant une des mains qui venait de recouvrir ton visage pour t'en emparer. « Je veux bien ... » comme si le fait de posséder un objet qui lui appartient assurerait ta protection et ce même si l'objet en question avait attenté à ta vie. Après tout, un mangemort n'aurait pas inséré un "s'il te plait" à la fin de sa tirade ... Il finit par retrouver son sourire familier et tu sens un nouveau pan de ta carapace s'affaisser. " Fais gaffe à la lanière en revanche. ” Tu soupires et évites de faire quoique ce soit avec cette trop souvent sous-estimée lanière. Jouant avec l'objet, tu finis par lui glisser, résignée, un : « Qu'est-ce que tu veux savoir, Douglas ? »

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Édouard Douglas
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Elle est à terre. N'a-t-il pas honte? Il se rend compte, soudainement, en la voyant ainsi à ses pieds — choquée, tremblante, immobile, cherchant l'air comme un noyé tout juste remonté à la surface — de la violence de ses gestes, de la force de la lanière autour de son cou, de la brutalité vindicative dont il vient de faire preuve. Édouard n'aime pas quand on lui refuse quelque chose, surtout quand il est tendu et nerveux et suspicieux et impatient et excité et méfiant. Pour tout ce qu'il sait, Lena pourrait être des terroristes que le Ministère vante — non, non, cette pensée est ridicule. Il sait que Lena est droite, juste, intègre, honorable. Il y a des tas de gens auxquels il pense plus souvent à louer le courage et la détermination; mais jamais personne n'a eu son respect comme Lena Blackladder. Comment auraient-ils pu, tous, concurrencer avec elle? Elle et sa malicité sans bornes, elle et ses rires carillonnants, elle et ses regards perçants qui lui donnaient l'impression d'être un moins que rien, un idiot, un sale con, une adorable tête de mule? Il pense rarement à elle — mais quand il le fait, ce n'est jamais sans tendresse ni respect.

Il n'y a pas de place pour la tendresse entre eux désormais.

Elle le repousse brutalement, n'arrive qu'à tomber lourdement parterre avec une expression de pur dégoût sur son visage. Édouard essaie de ne pas être affecté. Il essaie vraiment. Au plus profond de lui, il met des mains sur son coeur et le tient obligeamment au bout d'une laisse en lui intimant de taire sa douleur. Il n'aurait jamais deviné que ce regard, d'elle à lui, serait si insupportable. Il l'a fait pour des raisons bien plus importantes que le pouvoir, que l'argent. Il doit savoir la vérité, pour se battre de son côté. Il essaie, vraiment, d'être indifférent à la moue que lui accorde Lena, son crachat mesquin: « un putain de traître. » Est-ce qu'il est devenu? Est-ce qu'il a toujours été? Il a trahi tout ce en quoi il croyait en devenant la Bête, il a trahi son sang et le pacte des hommes avec les dieux en tuant sa propre chair, il a trahi un gouvernement vérolé, il a trahi une cause juste invisible en ne la cherchant pas.

Écoute le sang de ta soeur crier vers moi du sol! Maintenant, soit maudit et chassé du sol qui a ouvert la bouche pour recevoir de ta main le sang de ta soeur.

La culpabilité l'étouffe plus sûrement qu'une lanière. Il a envie de vomir.

Et maintenant il trébuche sur la Résistance sans grâce aucune, maintenant il y est confronté trop violemment pour que ce soit réel; il y voit comme une rédemption, un démon sorti des enfers et regardant le ciel en espérant y (re)trouver ses ailes. Il essaie d'imaginer Lena en tant que résistante badass, et il n'y arrive pas. Même des temps comme ça ne peuvent faire d'eux des soldats… si?

« Depuis quand on traîne ses anciens camarades de classe par le cou Douglas …Depuis qu'ils essaient de s'enfuir en criant des âneries, ” répond-t-il, presque trop froidement. Il lui tend le bras pour l'aider à se relever mais elle l'ignore et le fait d'elle-même, comme il s'y attendait. Il s'éloigne presqu'aussitôt, instaure entre eux une distance, une barrière, une muraille. Il y a toujours eu un décalage entre leurs blagues, un minsuscule trou entre leurs personnalités: elle était flamboyante, il était discret; elle était séduisante, il était discret; elle était feu et flamme et amour et force, il était discret. Édouard se demande comment il a pu avoir, et retenir son attention. Il se demande aussi si elle l'a jamais regretté. Il a soudainement envie de lui demander mais elle lui adresse encore un de ses regards de tueuse - oh! son coeur - et il abandonne, avale sa langue.

Elle ne semble se relâcher que quand il pose sa baguette parterre. Il voit aussitôt ses traits se détendre et puis, le stress lui revenir en pleine figure: elle a les traits tirés des nuits trop longues, les petits bouches des inquiétudes trop fréquentes, la peau usée d'une vie presque trop trépidante. Édouard voit parfaitement Sévan lui intimer d'être méfiante, en toute circonstance; et il voit forcément, de paire avec tout ex-auror de leur âge, Fol-Oeil, son oeil de verre tournant à toute vitesse dans son orbite: VIGILANCE CONSTANTE.

De bonne foi, il lui tend l'appareil photo qu'elle prend avec une brusquerie mêlée de méfiance. Il lève les mains comme une victime de hold-up, ses paumes calleuses tournées vers elle, son regard mystérieux et impatient. Elle joue avec l'appareil et il se demande quelles étaient les chances qu'il la retrouve ici, maintenant. Quelles étaient les chances qu'elle se souvienne de son prénom, de leur querelles, de leur amitié fondée sur l'inimité. Ça fait dix ans qu'ils ont quitté l'école. Un an qu'ils ne se sont pas vus.

(Il remarque les petits détails à propos d'elle qu'il n'avait jamais vu avant. La couleur obsédante de ses yeux. Son sourire comme un soleil sur son visage.)

« Qu'est-ce que tu veux savoir, Douglas ? »

(Sa voix douce comme de la soie.)

Il est un peu pris de court. Arque un sourcil, fronce l'autre. Puis sourit légèrement, reprend un visage sérieux, sourit à nouveau. “ Qu'y a-t-il à savoir? ” demande-t-il plus doucement encore, baissant bientôt les bras en se détendant. Il fronce les sourcils, fait un pas, puis deux vers elle. Comme s'il ne pouvait entièrement s'en détacher — oh, le tragique de la situation lui fait mal au coeur. Elle sait son secret, elle sait tous ses secrets. Ne devrait-elle pas courir, pas seulement pour la protection de son frère, mais aussi de la sienne? Elle connait sa cruauté, elle connait sa nature; elle connait ses vices, il ne lui a jamais montré ses qualités. Édouard espère que Lena sait. Qu'elle sait tout. “ Est-ce que ça va? T'as grise mine. Et puis, par les temps qui courent... ” Il se mord la lèvre. Doit-il le dire? “ J'ai peur pour toi, maintenant que je te vois ici, perdue de tous, perdue partout. À moins que ce ne soit tes rides. ” Il essaie de sourire. Il grimace.

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Lena Blackadder
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La corde fantôme te donne l'impression d'entamer ta chair alors que tes jambes se détendent d'eux même en cette position qui te pousser à te tenir droite pour "éviter les lombalgies" comme te le disait ta vieille tante Bertille obsédée par les comportements nonchalants et qui chassait les postures flasques comme le diable. Pour elle, il était hors de question que sa nièce ne se laisse aller à la déchéance d'un mollusque sur pattes et avait ainsi donné de fréquents coups de bâton sur la cambrure de son dos pour qu'elle se redresse. Qu'elle serait fière de toi à te voir grimacer en te redressant, le travail parfaitement droit et rigide de ta colonne vertébrale prenant tout son sens. Mais bien loin de t'intéresser à la bienveillance de cette tante bien trop vite oubliée, tu glisses tes doigts tremblants sur ton cou meurtri qui te semble dès lors aussi fin de diamètre que cette baguette qu'il vient de poser à terre. Tes doigts appuient, massent puis abandonnent alors que Sevan t'aurait certainement sermonner de t'être faite avoir aussi facilement par un simple appareil photo avant de s'inquiéter pour ta santé. La santé ... Ce mot résonnait à tes oreilles comme le glas rassurant d'un requiem résonnant au sein d'une église un triste dimanche de pluie. Ta santé, elle, était bonne mais qu'en était-il de tous ces patients que tu avais délaissés au moment où le gouvernement avait placardé ton portrait sur les murs de Londres aux côtés de celui de ton frère et bon nombre de ces pauvres résistants qui oeuvraient pour la liberté des sorciers et ce que tu jugeais être la bonne cause. Qu'en pensait-il, lui qui venait de te traîner au sol comme un vulgaire clébard et que tu dévisages une fois de plus avec mépris. Ta fierté entâchée, tu aurais très bien pu lui sauter au cou pour lui faire payer son insolence mais tu ne puis t'y résoudre. D'ailleurs, ses yeux d'un noir de jais ne sont pas les seuls à t'en dissuader. Sa posture à présent pacifiste finit de faire le travail et cet appareil à effet "calumet de la paix" qui t'est transmis met fin à cette petite querelle que tu t'empresseras de faire disparaître dans un coin lointain et inexploré de cette masse visqueuse que représente ton cerveau.

Une distance réglementaire vous sépare à nouveau. Tu l'as vu, il a volontairement reculé lorsque tu t'es redressé et a bien vite retiré son bras lorsqu'il s'est rendu compte que tu te redressais toute seule, comme une grande. Te maternait-il finalement alors qu'il y a quelques minutes, il était prêt à t'étrangler sur la place publique ? Toujours aussi méfiante, tu le toises du coin de l'oeil et lui crache presque au visage, ce même visage impassible qui cache toujours aussi bien ses émotions. Edouard ... le roi du volte-face. Tu l'as toujours vu ainsi, sérieux, parfois souriant mais souvent trop sérieux. Et tu le lui as d'ailleurs bien souvent reproché et ce même s'il n'avait aucune leçon de ta part à recevoir. Combien de fois l'as-tu intercepté dans un couloir du château pour lui balancer qu'il avait l'air aussi sérieux que ce vieil Argus Rusard ? Cette innocence joviale et immature te manque. Parfois. Mais tu as grandi. Vous avez tout deux grandis. Cependant, tu vois encore briller au bord de ses paupières cette malice d'antan qui reprend le dessus lorsque tu te dérides toi aussi et cèdes la place à un sourire sur tes lèvres en manipulant l'objet du diable, te rappelant de cette réponse qu'il venait de te jeter lorsque tu te relevais, bouillant de l'intérieur. — Depuis qu'ils essaient de s'enfuir en criant des âneries. Depuis quand Lena Blackadder disait-elle des âneries ? Vingt-sept ans à n'en point douter mais tu manifestes tout de même ta désapprobation à ce propos en levant les yeux au ciel après avoir légèrement fait tourner l'objectif pour ensuite observer l'effet de zoom à travers ce que tu considérais être "l'oeil" de l'appareil photo. Les pieds d'Edouard qui te paraissaient pourtant loin lorsque tu observais encore de tes yeux sa silhouette te semblent être tout proches et tu te retiens de reculer, surprise par cette approche plutôt directe pour finalement découvrir l'un des nombreux usages de ce fameux outils de technologie moldue. Il risque encore de se moquer de toi mais tu ne peux empêcher un "ouah" admiratif d'échapper à ta vigilance, lui jetant immédiatement un regard inquisiteur pour mesurer sa réaction et ne pas manquer de lui balancer une critique acerbe s'il ose rétorquer quoique ce soit à son apparent manque de connaissance en la matière.

Edouard avait beau être discret, il savait être efficace lorsqu'il le voulait et avait toujours su attirer ton attention et ce même lorsqu'il ne le désirait pas. Rapace patient au regard affûté, tu le remarquais toujours plus que les autres et ce en particulier en plein milieu d'une foule. Que ce soit son profil ou ses cheveux, ses mains ou ses chaussures et parfois même sa cape voletant légèrement à sa suite, il avait toujours eu l'art d'attirer ton oeil dans son sillage et alors que tu triture l'appareil de tes doigts habiles en matière d'opération en tout genre de type médicale, tu ne peux t'empêcher de lui lancer des regards curieux. Est-ce à cause de tout ce temps passé sans se voir ? Est-ce parce qu'il semble être trop vrai pour être réel ou encore à cause de cette facheuse manie que tu as de mettre tous les sorciers que tu croises -connus ou inconnus- dans le même panier ? Tous des mangemorts ou des traitres ... voilà comment tu perçois la masse sorcière en général qui, dans la situation actuelle, n'hésiterait pas à sauter sur l'occasion pour empocher une modique ou importante somme d'argent ou se faire remarquer au sein de la société stupide et arriérée actuelle. Soupir. Finalement, son attitude parvient à te convaincre. Tes épaules sont à présent parfaitement détendues et tu parviens de nouveau à respirer convenablement. Ce tremblement a beau ne pas avoir quitté tes doigts et faire cliqueter le plastique permettant à agrandir la lanière si besoin contre l'appareil, tu baisses à ton tour les armes.

Qu'allait-il donc bien pouvoir répondre ? Qu'est-ce qui pouvait autant l'intéresser ? Allait-il engager directement sur la résistance ou Sévan ? Ou alors sur ton implication dans des évènements récents ? Ou encore ces fichues affiches plaquées sur tous les murs de la capitale sur lesquelles ton visage aux yeux perçant ne quitte pas des yeux le moindre passant ? Tu inspires profondément, entrant en apnée, comptant les secondes te séparant de sa réponse. Son visage s'anime. Ses sourcils, en premier ou plutôt l'un des deux qui s'arque. L'aurais-tu intrigué ? Puis ce sourire familier qui te réchauffe de l'intérieur et te ferait presque rougir tant il te surprend à chaque fois. Sérieux il redevient en à peine un quart de seconde et tu te mets à douter. Patiente, tu l'es, mais pas trop ! Et là, il joue sérieusement avec tes nerfs. Tu entremêles tes doigts les uns aux autres jusqu'à ce qu'il daigne sourire de nouveau. Sa voix s'élève délicatement dans les airs et contraste avec cette voix rauque et agressive qui a jailli de sa gorge un peu plus tôt. “ Qu'y a-t-il à savoir? ” Tu arques à ton tour ton sourcil favori et patiente, toujours dans la même position, ne le quittant pas du regard comme fascinée par son visage qui ne cesse d'évoluer. Il baisse les bras, tu croises les tiens sur ta poitrine. Ses sourcils se froncent, les tiens les imitent. Il avance d'un pas, tu recules d'un puis te fige. Pourquoi fuirais-tu à nouveau ? Vous vous toisez du regard et il avance de nouveau vers toi. Tes cheveux te fouettent le visage alors que le vent s'invite au coeur de votre petite bulle pendant à peine quelques secondes. Et comme si ce léger courant d'air avait soulevé le charme masquant son visage défiguré, tu le revois tel qu'il était après cette agression lupine et son changement de statut. Tu perçois le lycan qui sommeille en lui et qui gronde alors qu'il s'approche et tu aurais pu prendre peur. Seulement, les souvenirs de confidences, de mots rassurants et de présence presque quotidienne à ses côtés pendant sa convalescence te rattrapent. Tu entrouvres la bouche, surprise, et tu défaits ce noeud unissant tes bras sur ta poitrine. Le vent repart et tu le revois tel quel. “ Est-ce que ça va? T'as grise mine. Et puis, par les temps qui courent... ” il mord cette lèvre inférieure qui brille et sur laquelle tu poses ton regard. Ton cerveau se vide de toute pensée alors que tu te rends compte du poids de ses mots sur ta conscience. S'inquièterait-il ? “ J'ai peur pour toi, maintenant que je te vois ici, perdue de tous, perdue partout. À moins que ce ne soit tes rides. ” Les yeux toujours fixés sur cette lèvre légèrement rougie par la pression de ses dents loin d'être aussi pointues que tu les avais imaginées sous sa forme animale, tu secoues la tête et sors de tes pensées. Il grimace. Aurais-tu mis trop de temps à réagir pour qu'il grimace de la sorte ? Aurait-il évoqué tes rides ? Tes doigts s'élèvent à hauteur de tes joues pour vérifier leur état puis partent à la recherches de rides introuvables. Tu captes finalement la remarque au ton léger et souris.

Ce sourire te permets de revenir à la réalité et tu détournes un instant le regard et le pose sur un pin situé à l'orée de la forêt voisine. Est-ce que tu allais bien ? Techniquement oui, tu avais fait un check-up complet de ton état et hormis une baisse de tension, tout allait parfaitement bien. En revanche, tu refusais d'ouvrir les yeux sur ta condition de stressée de la vie depuis ton enlèvement. Tes yeux se ferment un instant, tu respires profondément et hésite entre jouer la comédie ou tout lui avouer. « On fait aller ... tu rouvres les yeux, le dévisages à nouveau les yeux brillants. J'imagine que, après tout ce qu'on s'est dit à ... tu hésites, refixes ce pin qui, pour quelques obscures raison, te redonne force et courage et reprends tu sais où, je peux t'en parler. » Tu inspires de nouveau. Profondément. « Mais avant ça. ton masque de sérieux cède la place à une mine amusée, signe que tu t'apprêtes à t'attaquer à lui physiquement parlant.  Sache que mes rides rient à la gueule de ta barbe naissante. Peux-tu réellement prendre soin de toi tout seul ? Tu sais, tu pourrais avoir besoin de l'aide d'une assistante médicale de ma trempe ! Après tout, tu es tellement insupportable quand tu t'y mets que je suis sûre qu'aucune autre médicomage n'accepterait de t'occuper de toi comme ... les blessures jaillissent de nulle part et tu le vois à nouveau sur ce lit d'hôpital moi ... » Vous n'en avez encore jamais reparlé. Tu ne sais pas comment il va réagir et, à ton tour, tu te mets à te morde la lèvre inférieure. Toi qui était pourtant prête à aborder le sujet, viens de vous replonger certainement tous deux au cœur de sombres mémoires qu'il aurait certainement préféré placer au fin fond d'une pensine. Anticipant sa réaction, tu te décides finalement de réagir et ne peux empêcher tes jambes d'avancer à leur tour vers lui. Une fois. Puis deux. Tout près de lui, tu pourrais presque voir et te moquer de ses poils de nez mais tu as autre chose en tête. « On a jamais été réellement ... proche ... mais ... merci de m'avoir fait confiance. » te référant aux soins que tu lui avais apporté et à son comportement paisible lorsque tu rentrais dans sa chambre pour t'occuper de lui, tu imaginais que ça ne devait pas être facile de devoir vivre avec cette pensée que quelqu'un qui ne fait pas partie de tes proches et avec laquelle tu as toujours bataillé soit finalement la seule à te connaître tel que tu l'es réellement. Mais avant qu'il ne croit que tu puisses avoir peur de lui, tu agrippes ses avant-bras fermement et l'avertis. « T'inquiète, j'ai de l'aconit tue-loup dans mes poches en cas de besoin. » L'humour avait toujours plus ou moins marché avec lui. Sereine, tu t'apprêtes à t'en remettre à lui mais avant cela, tu souhaites que ces barrières de gêne quant à son statut de loup-garou soient définitivement abaissées. Il a beau être différent, tu ne le crains pas et tu tentes de le lui faire comprendre en plongeant tes yeux dans les siens, levant la tête puisqu'il est plus grand que toi et intensifiant cette pression sur ses bras. Tu sais ce qu'il est mais tu sais également qui il est.
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À sa remarque un peu maladroite, Lena sourit et Édouard se réchauffe instantanément, se détend, sourit à son tour timidement, comme un garçon qui ne sait pas faire des blagues et en tente une, ou peut-être deux, juste pour voir. Il la voit tout d'un coup très fatiguée et s'il présente sur ses rides, il pourrait tout aussi bien parler de ses cernes: Lena ressemble à l'ombre d'elle-même, ses traits tirés et ses moues quoique revêches, toujours un peu lasse. Il lit en filigrane, aussi facilement qu'il sent l'angoisse sur sa peau comme un film de sueur, une vie de tension et de stress et d'horreur et d'impatience. Tout d'un coup, Édouard se demande ce qu'il fait là, pourquoi il a osé penser qu'elle lui devait des comptes. Elle doit vivre un cauchemar et ne doit pas vouloir en parler. Quand elle ferme les yeux, offrant son visage et son corps à la contemplation du jeune homme troublé, il la dévore des yeux sans gêne ni retenue. Et quand ses prunelles reviennent se visser dans les siennes, il se sent étrange, comme si lui revenait à la mémoire un évènement sur lequel il n'arrive pas à mettre le doigt. « On fait aller..., finit-elle par dire lentement, comme si elle choisissait soigneusement ses mots. J'imagine que, après tout ce qu'on s'est dit à... Les traits d'Édouard s'assombrissent, se plissent, se tordent, s'affaissent, ...tu sais où, je peux t'en parler. »

Oh. Oui. Il lui a tant dit! Trop, peut-être. Il se souvient de longue soirée à chasser le soleil et la douleur, à lui raconter tout et n'importe quoi quand la fièvre était trop forte, trop présente: une enfance heureuse mais trop rapidement effacée, une scolarité acharnée en quête de résultats et des amis, des amis si chers...! mais absent. Il se souvient lui avoir délivré son coeur, avoir tout craché, tout vomi à ses pieds, sans s'arrêter; et à la fin, lui donner la clef de secrets qu'il aurait mieux préféré garder à lui-même, sous l'emprise de la fièvre là encore — voyons, il ne saurait en être autrement.

Soudainement remémoré de ces instants de faiblesse trop nombreux, Édouard grimace.  Mais déjà Lena reprend le masque qu'il lui connait bien, avec les coins de ses lèvres qui se hissent sur ses joues, ses traits qui s'adoucissent: « Mais avant ça... sache que mes rides rient à la gueule de ta barbe naissante. » Il grogne, réaction primal et primaire, alors qu'une main se lève pour aller tâter sa mâchoire, râper contre les débuts de barbe qui, effectivement, poussent leurs chemins sur sa peau. Il a une ombre au-dessus de la lippe; quelque chose dans le cou; un peu sur le menton. Fort de ses vingt-sept ans, on a néanmoins connu plus viril que lui et il l'a toujours déploré. Même sa lycanthropie n'a jamais eu raison de son... problème de poils, comme il l'appelle.

Mais Lena Blackladder n'en a pas fini là, bien évidemment. Elle va toujours plus loin. Trop loin. « Peux-tu réellement prendre soin de toi tout seul ? Tu sais, tu pourrais avoir besoin de l'aide d'une assistante médicale de ma trempe ! Après tout, tu es tellement insupportable quand tu t'y mets que je suis sûre qu'aucune autre médicomage n'accepterait de t'occuper de toi comme... moi. » Ça fait comme un choc sur son visage, ses traits crispés d'amusement se relâchant jusqu'à ce qu'il devienne impénétrable, une statue de marbre, son teint blême et son regard déconnecté, ramené quelques mois en arrière. Oh non oh non oh non et les blessures qui s'ouvrent sur sa peau et qui le grattent, derrière le sortilège qu'il utilise pour masquer ses marques; et l'envie de sang, de détruire, de hurler, de rugir; et l'impression de ne plus être soi mais quelqu'un d'autre, de regarder le monde depuis les cieux, les nuages, libre comme un oiseau, enfermé dans une cage, dans un corps, le sien, son corps, Édouard Douglas, il est Édouard Douglas et il doit rester dans ses chaussures sinon il va mourrir.

Il lui adresse un pâle sourire. Une sueur froide dévale son dos. Elle est si proche maintenant. Il pourrait presque la prendre dans ses bras pour y chercher un support, une ancre, un renfort, quelque chose, n'importe quoi pour empêcher le monde de tourner autour d'eux et de les oublier.

« On a jamais été réellement ... proche ... mais ... merci de m'avoir fait confiance. » Il la regarde longuement, ses yeux translucides enfoncés dans les charbons ardents d'Édouard, ses mains s'abattant comme des griffes sur ses avant-bras et pendant un instant, il oublie leur passé, leur histoire, comment ils se chamaillaient sans cesse, s'envoyer des insultes parfois superficielles parfois profondément méchantes à la figure, comme il vient de la traîner parterre, comment elle lui a sauvé la vie, il oublie tout ça et plonge dans ses yeux. Il a envie de pleurer. Pleurer qui ils ont été, qui ils ne seront plus jamais.

Il baisse la tête, incapable de soutenir ses yeux un peu plus longtemps. Ses mains pivotent pour attraper ses avant-bras à son tour et ils sont là, les bras reliés, les bras attachés et lui il est comme un noyé avec sa bouée de sauvetage au milieu d'une tempête, désespéré, ses doigts rentrant presque dans la chair pâle et fraîche de Blackladder. « T'inquiète, j'ai de l'aconit tue-loup dans mes poches en cas de besoin. » Et il glousse, mais ça ressemble à un sanglot et il arrête. Il ne pleurera pas. Il ne peut pas. Et dire que la journée avait commencé si bien! Ses photos étaient si belles! Maintenant, tout lui semble triste. Il se rend soudainement compte, bien plus qu'avant quand les sortilèges pleuvaient et les mauvaises nouvelles tombaient, qu'ils sont en guerre. Et que la guerre est un espace noir, un espace profond, du vide, de l'oubli, où il n'y a ni vainqueurs ni vaincus mais juste des miettes de survivants.

Je suis content de te revoir, Blackladder, ” finit-il par dire d'une petite voix étranglée. Il ne lui dit pas qu'il s'inquiétait pour elle, car ce serait un mensonge, mais presque tout de même. “ Je... je n'ai jamais eu l'occasion de te le dire mais merci. Merci pour tout. Les rires, les pleurs, les Beuglantes, les retenues. Et le reste. ” Elle sait de quoi il parle. Ses doigts s'accrochent un peu plus à elle puis il les détache lentement et finalement, il fait un pas en arrière, pour l'observer de son oeil sombre, pour instaurer une distance entre eux. Puis il rit, pour de vrai, offre son visage au ciel, le gamin solaire redevenu insouciant il temps d'un instant, juste celui-là, s'il vous plaît. Il rit, ses canines comme des crocs, son rire rauque comme un hurlement à un astre trop distant pour être vu. “ Je deviens tout émotionnel, dis! T'es éreintante pour mes nerfs, Lena, vraiment, ” ricane-t-il en se reculant encore d'un pas, lui adressant un large sourire forcé.

Un léger silence tombe sur eux. “ Bon, raconte moi. Promis, je ne dirais rien. ” Maigre assurance. Il devine qu'elle ne peut pas, que ce n'est pas prudent — mais elle vient bien de laisser entendre qu'elle va le faire, n'est-ce pas? Ils se connaissent. Elle le connait mieux que personne, même Faust ignore tous de ces tourments qu'il lui a confié, des mois plus tôt. Elle le sait qu'elle sait tout, tout. Ou presque. Il se mord la lèvre. Fort. “ Tout le monde parle de Résistance et... c'est ça, hein? Toi et Sévan? Vous êtes avec eux?
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Lena Blackadder
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Tu vois les pins, fiers et verts qui se dressent comme un monument vous enfermant tous deux entre ses parois cachant d'imprévisibles surprises comme ces toiles d'araignées dont ton visage se souvient encore alors que tu fuyais pour quelques soudaines frayeurs à présent effacées. Mais tu le vois aussi, lui et ses yeux d'un noir aussi abyssal que ses cheveux ... Un de ces jours, il faudra que tu arrêtes de penser à son entretien capillaire et te concentres un peu plus sur la réalité et ses couleurs, ses tracas mais aussi sa routine ... Vous êtes seuls, n'est-ce pas ? Avec le temps et la tournure que les événements ont pris, aussi imprévisibles que le ciel britannique, il t'est difficile de ne pas avoir l'impression d'être constamment surveillée alors, au lieu de plonger aveuglément dans le piège et le danger d'être épiée, tu prends ton temps et appréhendes ton environnement. Ces regards que tu jettes en direction des pins ne sont que des vérifications inutiles, des recherches en vain à la recherche d'un ennemi qui n'existe pas. Pas en ces lieux. Tout semblait si bien protégé et pourtant, des sorciers avaient réussi à s'échapper d'Azkaban du temps où tout était encore à peu près bien régulé alors qu'est-ce qui empêcherait le plus rusé des manipulateur de magie à s'infiltrer en territoire ennemi pour glaner de plus amples informations ?

Lena Blackadder ...

Ce que tu oublies, souvent, c'est ton nom. Ces affiches qui recouvrent négligemment les murs en pierre des rues du chemin de traverse et certainement de l'allée des embrumes sont gravés de tes traits. Tu ignores où elles se trouvent toutes mais en y pensant, tu as l'impression de te trouver à plusieurs endroits à la fois comme si ton corps avait été découpé en milliers de morceaux clairsemés à travers la capitale et que chacun de ces morceaux était aussi vivants que toi et t'attiraient tous à eux te déchirant autant que l'avait été ta conscience pendant ta séquestration. Tu as beau refuser l'évidence, tu es cependant recherchée. Une petite voix en toi te tente de lui demander s'il les as vues, ces fameuses affiches et combien il estime en avoir vu jusqu'à présent et même s'il se doute que quelque chose cloche te concernant, il n'est peut-être pas sûr de la raison pour laquelle tu es recherchée. Sait-il seulement que tu es recherchée ? Tu arques un sourcil comme si tu venais de le lui demander mais fait face à une immobilité paralysante.

Vos corps sont proches, plus proche que le souvenir que tu t'en faisais avant de laisser ton esprit voguer alentour. Mais cela ne te dérange pas. Au contraire. Ton corps se réchauffe et alors que tu divagues encore à voix haute, joue avec ses nerfs pour finalement voir autre chose que son visage s'animer et venir se poser sur tes avant-bras, sa détresse revient. Son visage s'était assombri, agité sous tes mots et sous le joug de ton humour particulier. Ce moment que vous aviez partagé à Sainte-Mangouste, méritait-il d'être déterré pour que vous vous sentiez plus libres, plus naturels l'un en compagnie de l'autre ou enterré à jamais comme si de rien n'était ? Tu opterais plus pour la première option mais au vu de ses réactions, tu sens bien que le sujet est encore sensible et la douleur certainement toujours aussi présente. Toutes ces choses qu'il t'avait révélées venaient sonner à tes oreilles comme jamais. Cette vie qu'il avait vécu et dont tu ne connaissais rien à l'époque de Poudlard t’apparaissait à présent claire comme de l'eau de roche et tu dirais même que tu le connaissais presque mieux que toi même. Cette évidence était-elle de bonne augure ou présageait-elle d'une catastrophe plus terrible encore à venir ? L'on disait parfois qu'il valait mieux se garder un petit jardin secret et ne pas tout dire mais, sous le coup de la douleur, il avait tout lâché ... ses incertitudes, ses craintes, ses peurs, ses souvenirs, terribles et bien d'autres informations que tu avais ingérées comme l'aurait fait une bouche d'égout avec une pluie diluvienne s'y glissant inlassablement jusqu'à n'en plus pleuvoir.

Ses émotions sont contradictoires. Son visage s'affaisse et il ... glousse ? Rit ? Pleure ? “ Je suis content de te revoir, Blackladder, tu t'agrippes à ton tour à ce que tu peux de ses bras et fixe son crâne qu'il t'expose sans aucune gêne. Sa voix étranglée a fait se serrer ta gorge. Contre quoi luttait-il à ce moment même ? Ed ... Ce contact te surprends. Qu'allait-il faire ? A quoi s'accrochait-il ainsi ? Tes avant-bras étaient loin d'être une paroi solide et sûre sur laquelle se reposer et pourtant, c'est sur ta peau qu'il a choisi de se laisser aller pendant quelques secondes avant de reculer. “ Je... je n'ai jamais eu l'occasion de te le dire mais merci. Merci pour tout. Les rires, les pleurs, les Beuglantes, les retenues. Et le reste. ” Silence. Le marbre de ton visage se déride une fois l'information transmise à ton cerveau et tu glousses à ton tour au souvenir des beuglantes envoyées en traître dans le dos de l'autre. A l'époque, ça n'avait rien de drôle et engageait souvent les hostilités mais maintenant que tu y repensais, cela te manquait aussi ... S'il n'y a que ça, je peux encore t'en envoyer des beuglantes ... tu veux ? Taquine, tu donnes de la joie à tes mots et ne te force même pas à feindre une émotion que tu ne ressens pas. Tu te sens même rajeunie, soudainement, comme si tous les mauvais moments et la gêne étaient partis. Cette envie de te préserver et de lui cacher ce qu'il t'était arrivée s'évanouit. “ Je deviens tout émotionnel, dis! T'es éreintante pour mes nerfs, Lena, vraiment, Un rire cristallin s'échappe de ta gorge et tu plisses les yeux joyeusement. La pression autour de ta gorge n'est plus qu'un mauvais souvenir et tu aurais presque envie de le prendre dans tes bras. Pourtant il parait que je suis très forte pour rassurer et stabiliser les patients à Sainte Mangouste, tu es un cas compliqué Douglas. Je vais d'ailleurs te prescrire des herbes à ingérer et fumer si tu le veux. Mimant ton action, tu fais se pincer ton pouce et ton index sur un crayon invisible que tu lèves en même temps que ton autre bras en hauteur pour y noter avec application des noms d'herbes médicinales farfelues. Le tout en emprisonnant le bout de ta langue entre tes dents. Fière de toi, tu signes en bas de la page invisible et la lui tend. J'ignorais que tu étais aussi émotif Edouard, va-t-il falloir que je revois mes manières en ta compagnie pour te préserver de la folie ? Imagine ce que Sevan endure au quotidien ... Levant les yeux au ciel, tu finis par t'étirer sur place et l'invite sans l'agripper par le bras -tu avais trop joué avec ses nerfs pour aujourd'hui- à aller s'asseoir sur une des petites marches menant au manoir qu'il ne peut toujours pas voir. L'heure des révélations approche ...

Bon, raconte moi. Promis, je ne dirais rien. ” Le regard dans le vide, tu t’assoies, silencieuse et entremêle tes doigts à l'image du foutoir régnant dans ton crâne et faisant s'emmêler tes neurones entre eux. Tu ne sais par où commencer alors tu essaies de retrouver l'essentiel mais ça sera lui, quelques instants plus tard, qui te tendra une belle perche.  Tout le monde parle de Résistance et... c'est ça, hein? Toi et Sévan? Vous êtes avec eux? ” Sourire en coin, mèche disciplinée et coincée derrière ton oreille gauche, tu te tournes à quatre-vingt dix degrés vers lui, croisant tes jambes en tailleur. Je suis sûre que tu en sais plus que tu ne veux bien l'admettre. Le récit risque d'être long mais tu ne parviendras certainement pas à tout lui révéler. Tu te racles la gorge bruyamment, causant l'envol de deux corbeaux perchés sur le toit de l'immense bâtisse et débutes après avoir jeté un regard las à cette même prison. Tu n'es pas sans savoir que Sevan et moi n'avons plus de famille ... Ça commence à remonter mais c'est toujours bien ancré en nous et que peu de temps après ça ... Sevan s'est engagé. avoues-tu en frappant légèrement ton poing à l'endroit où se trouve ton cœur. Tu n'en dis pas trop sur Sevan, ça n'était pas à toi de divulguer son histoire ni même parler à sa place. J'ai toujours été une jeune rebelle dans le fond mais mon investissement a réellement pris forme lorsque ... Tu revois ta mère en pleur, délirant sur l'origine de la création de Sevan, de son père à lui, de cette peine qui l'a engloutie à son tour et de Sevan sur le point de perdre à son tour le sens commun de la vie. Fort heureusement, il s'en était sorti et avait suivi ce que tu considérais comme le bon chemin. Le pire aurait été qu'il rejoigne son père biologique ... et à ce moment là ... vous auriez été opposés ... Tu n'aurais jamais pu accepter les idées des Mangemorts et doutait que Sevan puisse un jour tourner le dos aux vraies valeurs et à votre histoire. Tu reprends, un voile recouvrant tes prunelles qui avaient dès lors perdu de leur éclat. Tes doigts s'entremêlent à nouveau et se coincent de sorte à ce que tu ne saches plus comment faire pour les démêler. Les Mangemorts ont voulu tendre un piège à mon frère et m'ont ... tu cherches le mot adéquat et trébuches sur plusieurs d'entre eux sans trop savoir lequel choisir et qui s'appliquerait le mieux à la situation. Ils m'ont enlevé, comme ça, sans prévenir. Je venais de rentrer du travail, j'étais crevée et PAF j'ai perdu conscience soudainement. Lorsque je me suis réveillée, j'étais dans une espèce de cellule ... Bref, La résistance est venue me libérer et depuis cet instant, je suis recherchée. J'étais bien moi à Sainte-Mangouste ... Être prisonnière là, juste derrière toi, ça devient lourd ... Alors maintenant j'aide la résistance, je soigne les bobos, je redonne de la joie et j'emmerde les autres. Tu te rappelles d'Olivia Hamilton ? De taille moyenne, brune, les yeux pétillants et mignonne comme tout ... je n'ai jamais pu la supporter alors je lui fais vivre un enfer. Tu souris malicieusement et te rend compte que tu donnes soudainement trop d'informations. Ta spontanéité te perdra. Tu n'étais pas sensé faire la liste des résistants mais tu viens de griller celle d'Olivia ... Bah, de toute façon vous ne vous supportez pas ... Tu parviens finalement à démêler tes doigts et le regarde fixement. Il ne peut certainement pas voir le manoir mais s'il insistait, tu en référerais sûrement à Sevan. Est-ce qu'Edouard pourrait s'avérer vouloir devenir un résistant ? Voilà, je t'épargne les détails mais tu sais en gros ce qui s'est passé pour moi et ce que je fais ici. Des questions ? Ton cœur bat la chamade. Tu ignores pourquoi mais tu te doutes que ces révélations ont fait resurgir plus que de simples souvenirs en toi et que ton corps, autant que ton esprit, peut réagir à de simples rappels ... Tu déglutis avec difficulté, trembles un peu et tente de te calmer en respirant profondément en attendant qu'il ne se manifeste. Pour l'instant, son silence te gêne un peu mais tu imagines que si tu avais été à sa place, il t'aurait certainement fallu à toi aussi un temps de digestion ... n'est-ce pas ?
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Édouard Douglas
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they slipped briskly into an intimacy from which they never recovered


“ Je suis sûre que tu en sais plus que tu ne veux bien l'admettre. ” Il pince des lèvres. La vérité se lit sur son visage comme le titre d'un livre sur sa couverture: il y a quelque chose de coupable dans son expression, quelque chose de cru et de réel. Oui. Oui. Oui. Il se souvient des visages, sur les quatrième de couverture des journaux. Surtout, il se souvient de son sang, glacé dans ses veines, en lisant leurs noms: des noms qu'il connaissait, Blackladder, Perkins, Watson, Hayter, Smith, Etherington. Des gens à qui il avait parlé, des gens avec qui il avait ri, avec qui il s'était entraîné. Et lui? Lui n'avait jamais rien fait; il n'était pas de l'étoffe des héros qu'on voyait chez les Indésirables, loin de là. Il était une petite chose fragile et instable, qui se gardait de tout. C'est cette faiblesse que l'on peut lire sur son visage en son instant précis; la faiblesse de celui qui ne s'est jamais engagé, pas par manque de conviction, mais peut-être par manque de chance ou de courage.

“ Tu n'es pas sans savoir que Sevan et moi n'avons plus de famille ... Ça commence à remonter mais c'est toujours bien ancré en nous et que peu de temps après ça ... Sevan s'est engagé. ” Il essaie d'imaginer la chose: son frère ou sa soeur s'engageant, même pour la Résistance qu'il chérit. Il essaie d'imaginer la chose: son frère ou sa soeur, deux soldats, baguettes à la main, trop jeunes pour se battre mais pas trop jeunes pour mourir. Il essaie d'imaginer la chose: son frère ou sa soeur, morts (oh, elle est pourtant bien morte-- non. il repousse cette pensée), on lui annonce ça avec un grand sourire, parce qu'ils sont morts pour une cause juste. Il se met dans la tête de Lena et ça lui donne le tournis. Il n'a pas besoin d'être loup-garou pour sentir sa nervosité grandir, ses peurs enfouies; Édouard hésite puis tend la main pour lui effleurer l'épaule, quelque chose de rassurant et de maladroit. “ J'ai toujours été une jeune rebelle dans le fond mais mon investissement a réellement pris forme lorsque ... ” Ils n'ont jamais été proches, mais Édouard se permet de poser la main sur les siennes — entremêlées, il ne sait pas où commence l'une et ou finit l'autre —, de serrer un peu, maladroitement.

Le frappe la réalisation soudaine que si, ils ont déjà été proches. Qu'ils sont proches. Qu'ils ont passé des années à se battre jusqu'à se connaître par coeur; et des mois à s'engueuler, jusqu'à ce qu'il lui dise tous ses états-d'âmes. Cette conviction qu'elle comprend, cette réalisation qu'il comprend, le fait déglutir difficilement. Il ne se souvient pas de la dernière fois que quelqu'un est entré dans son coeur ainsi: comme un boulet de canon, en faisant s'affaisser tous ses murs.

“ Les Mangemorts ont voulu tendre un piège à mon frère et m'ont ... ” Elle hésite. Il y a quelque chose de tragique dans son regard. “ Ils m'ont enlevé, comme ça, sans prévenir. Je venais de rentrer du travail, j'étais crevée et PAF j'ai perdu conscience soudainement. Lorsque je me suis réveillée, j'étais dans une espèce de cellule ... Bref, La résistance est venue me libérer et depuis cet instant, je suis recherchée. J'étais bien moi à Sainte-Mangouste ... Être prisonnière là, juste derrière toi, ça devient lourd ... Alors maintenant j'aide la résistance, je soigne les bobos, je redonne de la joie et j'emmerde les autres. Tu te rappelles d'Olivia Hamilton ? De taille moyenne, brune, les yeux pétillants et mignonne comme tout ... je n'ai jamais pu la supporter alors je lui fais vivre un enfer. Je me souviens d'elle, oui. Et je me doutes pas que la pauvre Olivia souffre de ta présence, ” est tout ce qu'il arrive à marmonner, maladroit, les lèvres brûlantes et tremblantes. Il a envie de vomir. Il a envie de vomir son coeur qui bat trop vite, trop fort. Il regarde Lena et pendant un instant, il a l'impression de ne pas la reconnaître. Ce n'est pas la fille qu'il a vu la dernière fois à Sainte Mangouste. C'est une femme, maintenant, avec des angles durs, des traits sérieux et des mains tremblantes.

(Il essaie de ne pas être surpris qu'Olivia aussi est dans la Résistance, malgré son frère, malgré son père. Il essaie d'ignorer la lame du couteau dans son coeur, quand il pense que peut-être, un jour, il lira les nécrologies de tous les gens qu'il a connu dans la Gazette, et qu'à côté seront marqués les stupides mots traîtres à la nation.)

“ Voilà, je t'épargne les détails mais tu sais en gros ce qui s'est passé pour moi et ce que je fais ici. Des questions ? ” Il retire sa main quand elle défait ses doigts et il la regarde sans rien dire pendant quelques secondes. Il se fend finalement d'un sourire séduisant et plaisant. C'est son meilleur sourire, celui qui le rajeunit de quelques années et qui séduit plus qu'il ose l'avouer. C'est un vrai sourire. “ Je suis désolé que tu aies traversé tant d'épreuves, Lena. Je-- je n'aurais pas dû insister. Je pense que le mieux pour ta sécurité serait que je parte. Si jamais je me fais attraper ou je sais pas quoi par des gens du gouvernement je-- ” Il se tait. Il ferme les yeux. Les rouvre difficilement. “ Prends soin de toi, d'accord? Si j'envoie un hibou là où tu habitais avant, chez les Blackladder, même s'il n'y a personne, trouvera-t-il son chemin? Où puis-je t'écrire? ” Il semble soudainement soucieux de renouer avec elle (il l'est). Il se rend compte qu'il est en train d'effleurer un monde, celui de la Résistance, qu'il n'arrive pas à imaginer mais qu'il a désespérément envie de connaître.

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L'instant est tragiquement beau et terriblement privé. Comme tirée de sa pudeur, l'être qui grandit en toi et prend peu à peu possession de tes chairs ose sortir de sa cachette, se mettre à nu face à l'inconnu qui finalement n'est pas si inconnu que ça. Tu le reconnais. Ses yeux aussi noirs que les abysses profondes dans lesquelles tu te laissais couler dans cette cellule que tu t'empêches de décrire. Ces globes si expressifs qu'il te confieraient presque tous leurs secrets et surtout, l'âme d'Edouard. Tu le sens, physiquement, engagé et touché parce que tu dis. A son image, tu te dévoiles. Lui l'a fait il y a quelques moi de cela alors qu'il reposait mal en point sur un lit parfaitement fait par tes soins à chaque fois qu'il revenait de thérapie ou de soins ou encore de rééducation. Lui a osé te montrer ses faiblesses et ses peurs. La bête en lui, tu la sais présente et tu humes l'air comme si tu allais sentir le poil poussiéreux se secouer à tes côtés, la douce raideur de ces derniers sous tes mains alors qu'il saisit les tiennes. Ce contact inopiné te redonne par ailleurs un nouvel espoir, un rebord auquel te raccrocher alors que tu peines à sélectionner les morceaux de récit que tu oses lui confier. Trop en dire, ne pas en dire assez, pour toi il y a un gouffre séparant l'un et l'autre et, irrémédiablement, tu finiras par chuter vers l'un ou l'autre sans jamais pouvoir stopper ce corps planant dans les airs, attendant de toucher du bout des os le sol de pierre qui t'attend en bas.

Tes yeux ne quittent pas ses traits qui te rassurent alors que tu prenais tant plaisir à lui en mettre plein la tête à Poudlard et à t'en prendre à lui. Imaginer vos camarades d'antan vous retrouver ainsi, dans une telle situation et posture te ferait presque sourire en coin, eux qui avaient tant l'habitude de te voir si hargneuse à son égard. Les petites-filles sont pourtant réputées douces et délicates, n'est-ce pas ?

Il participe, s'invite dans ces mémoires que tu libères de tes pensées en les partageant avec lui et tu le retrouves dans un coin de la cellule, dans les moindres recoins de Sainte Mangouste prenant aussitôt les traits de Saint James et avant que tu n'aies eu le temps de t'en rendre compte, ton récit avait pris fin. Ta dernière tirade, percutantes, directe, révélatrice te fait pencher vers le gouffre non modéré des révélations interdites mais il te rattrape, de ses mots plutôt que de son silence. Il avait dit se souvenir d'Olivia. Décidément, elle a marqué tous les esprits celle-là ... Et tu te retrouves à demi-souriante alors que l'autre moitié de ton visage prend des airs graves et mélancoliques. La chaleur de ses mains quitte ta peau qui se refroidit instantanément alors que tu frissonnes sous le coup de la nuit qui tombe. Vos regards se croisent, indéfiniment puis il finit par briser cet instant précieux où tu t'es ouverte à lui pour le pire et, tu l'espères, le meilleur.

Soudainement, son expression change du tout au tout, te surprenant au passage. Tu retrouves la jeunesse de ses traits et sa joie d'antan qui te donnerait presque envie de devenir à ton tour guillerette. “ Je suis désolé que tu aies traversé tant d'épreuves, Lena. Je-- je n'aurais pas dû insister. Je pense que le mieux pour ta sécurité serait que je parte. Si jamais je me fais attraper ou je sais pas quoi par des gens du gouvernement je-- ” "Tu l'as bien cherché Ed, comme d'hab et si le gouvernement te trouve, j'espère que tu sauras vers qui te tourner pour soigner tes blessures." Te permets-tu d'intervenir d'un sourire taquin alors qu'il se tait et ferme les yeux avant de reprendre en te relevant prestement. “ Prends soin de toi, d'accord? Si j'envoie un hibou là où tu habitais avant, chez les Blackladder, même s'il n'y a personne, trouvera-t-il son chemin? Où puis-je t'écrire? ” Tu n'as pas envie qu'il s'en aille mais ... Ce serait immature de le lui dire. Serait-il également immature de lui faire la vie dure avant qu'il ne s'en aille ? Tu jubiles intérieurement à cette idée et laisse le doute planer sur l'adresse à laquelle te joindre. Il souhaite s'en aller mais il aimerait également t'écrire ... Le fera-t-il vraiment ? L'avenir seul te le dira alors que tu glisses dans sa main un morceau de papier sorti de ta poche sur lequel tu as pris soin de griffonner l'adresse à laquelle le hibou te trouvera. Ou plutôt un petit mot lui indiquant que tu lui enverrais toi même un hibou qui saurait parfaitement quoi faire. Au passage, tu te permets une petite fantaisie et te met sur la pointe des pieds en prenant appui du plat de tes mains sur ses épaules de sorte à ce que ton visage arrive à hauteur du sien. Tu l'examines quelques instants puis souris et lui glisse à l'oreille J'étais contente de te revoir Douglas. Avant de marteler du point don pectoral gauche et de déposer un baiser de jeune fille innocente sur sa joue, laissant une marque de rouge à lèvres, fantaisie que tu t'autorisais toujours à appliquer chaque matin.

Tu peines à croire que votre entretien inespéré prenne fin et qu'il va te falloir retourner à ton morne quotidien mais, comme Merlin lui même le dirait, toute bonne chose à une fin même si tu hésites encore sur le bienfait de t'être faite traîner à travers pins et buissons de houx par un objet aussi moldu que le facteur du coin et qui plus est à ses pieds ... Tu lui revaudras cet attentat un jour prochain. Hésitante, tu tergiverses, toujours en face de lui, piétinant sur place, et désigne le vide derrière lequel se cache le manoir en disant. "Si tu crains tant que ça pour ta situation, je ferais peut-être mieux de rentrer ... tu habites loin ? Je t'enverrai mon hibou dès demain si ..." tes joues se colorent légèrement sous le brasier de son regard "si tu le veux bien". Cette innocence dont tu n'as jamais fait preuve en sa présence serait presque incommodante et tu tentes de la cacher en détournant le regard.

pour ta peine je t'ai répondu immédiatement ! Love a écrit:
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Édouard Douglas
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they slipped briskly into an intimacy from which they never recovered


Édouard a les yeux fermés, immobile et presque serein avec une expression fermée sur le visage. On dirait les héros tragiques qu'il aime tant, ceux qui sortent vainqueurs de leurs aventures et n'ont jamais l'impression que quelque chose ne va pas chez eux. Patrocle, Héraclès, Persée... tant de noms qui l'ont fait rêvé quand il était jeune; tant de statues marbrées qu'il a admiré avec son père dans les musées, entre deux séances de sévère ornitoloie. (Il se souvient, tout d'un coup, de sa raison d'être. Il ne peut s'empêcher d'être inquiet d'avoir fracassé sa pellicule qui, il le sait, contient quelques images plutôt sympathiques). “ Tu l'as bien cherché Ed, lui dit Lena, et il ouvre un oeil pour la regarder, comme d'hab et si le gouvernement te trouve, j'espère que tu sauras vers qui te tourner pour soigner tes blessures.

Sur ses lèvres s'érige un minuscule sourire amusé. Ça lui fait chaud au coeur. Un instant, il est très conscient de tout: le vent qui emmêle ses boucles, sa veste trop chaude qui lui fait transpirer le dos, ses doigts crispés sur l'appareil photo qu'il a dans les mains, la lanière qui lui rentre dans la nuque. Ses yeux bleu céruléen, ses longs cheveux blonds qui encadrent artistiquement son visage, ses longs doigts pâles un peu nerveux, et elle, elle, elle. Édouard repense à elle il y a quelques années, déjà dix ans. Dix ans! Le coup de vieux et inattendu, et violent. Il a l'impression que ça fait une éternité qu'il a quitté Poudlard; et pourtant, dans son nez, il sent encore les arômes de la Grande Salle comme si c'était hier, les visages de leurs camarades sont inscrits sur sa pupille et elle... Lena est bien loin de la fille qu'elle a été, la chipie un peu garce qu'il détestait adorer tant.

Ils s'observent un peu.

Finalement, elle sort de sa poche un morceau de parchemin sur lequel elle griffonne habilement et qu'elle glisse dans la main d'Édouard. Ses doigts effleurent les siens. Édouard ressent comme une décharge électrique dérangeante à son contact. C'est quelque chose d'inhabituel, sa peau sur la sienne, dans un mouvement si doux, si délicat, si précautionneux. Il serre fermement dans le creux de sa paume le parchemin froissé. Il a un sourire sur la gueule.

Lena le prend de court quand elle se met sur la pointe des pieds, si proche, si proche, ses mains sur ses épaules pour l'appui. Ça fait longtemps qu'il n'a pas été approché ainsi, si proche, si proche, nez à nez avec un autre. Les gens ont tendance à l'éviter maintenant ou en tout cas, à ne pas l'approcher. C'est peut-être l'aura qui se dégage de lui, ce halo bestial et inhumain, ce quelque chose de sombre et de wrong à son propos. Ses doigts sont légers et il se surprend à attendre quelque chose; pour un peu plus, on pourrait penser qu'il se penche en avant, rien qu'un peu, comme pour attendre un baiser de sa part. Pourquoi pas après tout? Il connait Lena pour son côté imprévisible et elle sait que ça le gênerait atrocement, c'est-à-dire qu'elle gagnerait l'affrontement, ce combat de regards moqueurs et méprisants qu'ils ont depuis des années. “ J'étais contente de te revoir Douglas, ” lâche-t-elle et il sent un frisson secouer son dos.

Lena se penche vers lui — confiante et souriante et très grande et très proche et très belle — et dépose, sur sa joue, un baiser presque languissant. Il n'a même pas le temps d'en profiter (sa bouche sur sa peau, ses lèvres qui s'en décollent doucement, ses mains sur son torse) que déjà elle s'éloigne, et il lui offre un petit sourire abasourdi comme toute réponse. “ Moi aussi, Blackladder.

Et puis la soudaine réalisation qu'ils vont se séparer, peut-être pour ne plus se revoir, lui tombe dessus. Il se dit qu'il vaut mieux qu'il parte, mais il se dit aussi qu'il n'en a pas vraiment envie. “ Si tu crains tant que ça pour ta situation, je ferais peut-être mieux de rentrer ... tu habites loin ? Je t'enverrai mon hibou dès demain si ... ” elle rougit, Édouard sourit,  “ si tu le veux bien. ” Son sourire se fend, encore plus grand et plus large sur sa face. Il arque un sourcil provocateur. “ Pourquoi est-ce que je voudrais qu'une Indésirable m'envoie des hiboux, je te le demande? ” Il pousse un soupir dramatique en se passant une main dans les cheveux. “ J'imagine que tout ce que nous faisons n'obéit pas forcément à une logique. ” Il sourit toujours quand il la regarde, tout lumière et tout bonheur et avec ce quelque chose d'espiègle presque... incorrigible sur le visage. Une vraie canaille, en somme. “ Ça m'a fait plaisir de te voir toi aussi, Lena. Beaucoup,” dit-il, très solennel, en s'approchant d'un pas sans oser la toucher ni être plus près. “ Écris-moi, ” dit-il, avant de la dépasser en faisant attention à ne pas la toucher, et de disparaître, comme aspiré dans le néant, dans le crac caractéristique d'un Transplanage parfait.

We're not, no we're not friends, nor have we ever been
We just try to keep those secrets in our lives
And if they find out, will it all go wrong?
I never know, no one wants it to

So I could take the back road
But your eyes'll lead me straight back home
And if you know me like I know you
You should love me, you should know


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