BOUH.« AAAAAAAAAAAAAAAH  » Le garçon grassouillet tente de courir tant bien que mal mais il se prend les pieds dans le rebord du trottoir. Olivia et son grand frère pouffent doucement de rire en s’éloignant. Ils étaient la terreur du quartier. Evidemment que les parents n’étaient pas d’accord. Au lieu de se montrer discrets comme tous les autres enfants sorciers habitant dans un quartier moldu, ils en profitaient pour faire la loi. Une bande de gosse étaient littéralement à leurs pieds du fait de leur « don », qui les intimidait au moins tout autant qu’il les impressionnait. Ceux qui ne souhaitaient pas les obéir, tant pis : Olivia et Milo s’occupaient personnellement de les poursuivre et les terroriser jusqu’à ce qu’ils flanchent. Quand les concernés voulaient se plaindre à leurs parents, personne ne les écoutait. Après tout, dans quel monde avait-on vu des enfants changer de couleur de peau ?

Mais à part ça, c’était des très bons chefs. Très aimants, affectueux, soucieux des leurs. Ils allaient voler des bonbons chez les méchants enfants pour les redistribuer aux gentils enfants, par exemple.
Milo fut le premier à partir pour Poudlard. Quitter sa tribu fut très difficile pour lui ; il laissa Olivia à la tête du gang, et elle fit un très bon chef. Elle qui avait surtout suivi son grand frère jusqu’à présent, elle se découvrit un caractère de leader. Elle dirigeait notamment avec succès les opérations de vol de bonbons et les batailles de boue.


Olivia, 10 ans, et Milo, 12 ans étaient perchés sur la cabane dans l’arbre qu’ils avaient construits tous les deux, comme des grands. Ils étaient occupés à regarder leur livre à images qui bougent, en discutant de ce qu’ils avaient raté toute cette année. C’était la première année où ils étaient séparés et Olivia trépignait d’impatience à l’idée de le rejoindre l’année suivante.
«  Tu sais que maman elle ne pense pas comme papa ? » Milo leva les yeux de son livre et la regarda, interrogateur. « Quoi ? » Olivia continua en chuchotant, sur le ton de la confidence. « Maman elle m’a raconté qu’elle n’a jamais aimé ‘Tu-sais-qui’, elle voulait un monde plus libre. » Milo plaqua ses mains sur sa bouche. « Par Merlin ! Mais pourquoi ? Papa il dit qu’il va revenir, et qu’il va apporter la paix et la justice dans le monde ! » C’était la vérité. Elle n’avait jamais été d’accord avec son mari, mais ne le lui avait jamais dit, elle s’était tu par amour. Elle savait qu’une étincelle suffirait pour que tout parte en fumée entre eux –même si maintenant que Voldemort n’était plus de ce monde, a priori. Car elle l’aimait, mais elle savait que leur couple était fragile du fait du dévouement sans égal de Sean Hamilton à la cause mangemort, qui ne perdait pas espoir malgré tout. Elle s’affirmait donc neutre et se tenait à l’écart de toute agitation politique, comme une bonne épouse disciplinée. Mais en dehors de cela, Irina Hamilton avait peur pour ses enfants. Elle était heureuse ainsi, mais ne voulait pas que ses enfants se sentent obligés d’une quelconque manière de faire de même.  Ainsi elle avait décidé de confier ce secret à sa fille de 10 ans, parce qu’elle savait que Poudlard était plein de tentations, et qu’elle aurait l’occasion de côtoyer aussi bien des enfants d’anciens mangemorts que des enfants d’anciens résistants… Et qu’elle ne voulait qu’elle ne juge personne, qu’elle ait le temps de se forger sa propre personnalité, sans être endoctrinée. Elle voulait lui donner les outils, lui donner le courage de faire ses propres choix plus tard.
Irina n’avait pas osé à l’époque à faire de même avec son fils aîné. Celui-ci semblait avoir déjà bien ancré dans sa tête les idées de son père. La machine était déjà en marche.
Milo sembla confus suite aux aveux d’Olivia. Ça avait toujours été le préféré de son père et avait toujours partagé une complicité sans égale avec lui… et voir que les choses ne se passaient pas comme il le voulait le contrariait sincèrement. « Je ne comprends pas… » Olivia posa une main sur l’épaule de Milo. « Je pense que c’est maman qui a raison. Franchement, il est mort, il va pas ressusciter quand même ! » Milo fronça les sourcils et bouscula sa sœur. « Dis pas de la merde ! »


Olivia regretta bien vite ses confidences.
« Et je t’interdis de remettre les pieds dans cette maison !  Tu m’entends ? Ce ne sont plus tes enfants ! » La porte se claqua. Olivia, le visage ruisselant de larmes, cachée derrière une armoire, avait suivi toute la confrontation. Quand son père s’en alla du salon, elle se précipita dans la chambre de son frère. Elle avait cru pouvoir lui faire confiance. Elle avait cru que c’était son grand frère, que c’était son meilleur ami. Elle s’était trompée. « C’est toi hein ? C’est toi qui as dit à papa… Et… » Milo jeta un regard noir à Olivia. « Ne me dis pas que tu es d’accord avec elle ! Tu veux la rejoindre peut-être ? » Olivia éclata en sanglots alors que Milo la regardait d’un air embêté. « Tu as de la chance que je sois gentil Olivia, j’ai des amis à Poudlard qui n’auraient pas supporté d’avoir une sœur aussi soucieuse du sort des traitres et qui n’auraient pas hésité à lever la main sur toi. » Olivia ne parla plus ni à son frère, ni à son père pendant tout le restant de l’été. Milo dut probablement dire à son père qu’Olivia regrettait le départ de sa mère, parce que cette ignorance fut réciproque. Elle fit sa rentrée à Poudlard dans l’indifférence générale, et pleine de remords. Elle se sentait responsable de la destruction de sa famille.
Poudlard devint rapidement sa nouvelle et seule vraie maison.

Il passa encore devant elle sans la saluer. Olivia grinça des dents et s’efforça de garder un air digne. James lui lança un regard interrogateur ; Olivia secoua la tête en haussant les épaules. Elle ne souhaitait pas en parler. De toute façon, ça ne servirait à rien. Milo ne semblait plus se soucier d’elle, leur complicité d’antan avait définitivement disparu. Tout avait changé depuis son entrée à Poudlard, depuis le premier été où il était revenu. Trois ans étaient passés depuis, et aucune amélioration ne semblait visible. Olivia voulait bien faire des efforts. Mais elle avait peur de lui. Milo était probablement parmi les élèves les plus redoutables qui ne lui avait été donné de voir à Poudlard. Il semait la terreur sur son passage, avec son groupe d’élèves de serpentard, méprisant les nés-moldus notamment. Il était difficile de croire qu’ils étaient frères tant ils ne partageaient plus rien.  Un énorme fossé les séparait, Olivia ne savait comment le combler. Elle lui en voulait encore. Mais elle lui pardonnerait, s’il daignait s’excuser. Les gens peuvent changer.

M’enfin, c’est l’adolescence, ça va lui passer, il va s’affirmer et tout redeviendra comme avant, se consolait-elle. Mais quand elle voyait les fréquentations de son frère, elle prenait parfois peur. Tous des fils de grands noms, fils d’anciens pro-voldemort. Est-ce qu’il oserait s’attaquer à elle si elle venait à rejoindre « l’ennemi » ? Si elle venait à être aussi « traitresse » que l’avait été leur mère ? Olivia avait clairement l’intention de l’être, plus tard, si l’occasion venait à se présenter. Elle désirait l’égalité des sangs. Un monde juste, tout comme sa mère l’avait souhaité. Mais elle espérait sauver ce qu’il y avait encore à sauver entre eux alors pour l’instant elle se taisait. Tout comme sa mère l’avait fait pendant des années, ces années où Voldemort était roi et le sang moldu traité comme de la vermine.